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La continuité de la banquise avec des terres qui ne sont pas toujours entièrement glacées est un trait caractéristique de la zone arctique. C’est un fait de grande importance au point de vue de la dissémination des animaux et des plantes. La faune arctique comprend, outre les hôtes propres à la banquise (les habitans nomades, et par exemple les ours maraudeurs), des régions côtières insulaires ou continentales.

La banquise forme à elle seule toute la calotte polaire septentrionale au lieu de n’en être que la bordure, comme au pôle Sud. Elle couvre entièrement le bassin circulaire de l’océan Arctique, d’une couche non pas parfaitement uniforme et continue, mais au contraire, tourmentée, ravinée, sillonnée de chenaux, trouée de lacunes accidentelles qui forment des bassins aujourd’hui libres de glaces et ouverts à la navigation, et demain refermés. L’expédition de Nansen a fait justice de la légende d’après laquelle il existerait une véritable mer libre au pôle, objet de la recherche obstinée de tant de navigateurs.

La banquise arctique n’est qu’une mauvaise contrefaçon de terre ferme. Elle n’a rien de permanent et de fixe. Elle se crevasse, se rompt, se fragmente, se rétablit, se ressoude et se reforme capricieusement, au gré des vents, des tempêtes et des courans marins. Il en résulte cette conséquence, très importante au point de vue qui nous occupe, qu’elle ne peut fournir qu’un abri précaire à des animaux terrestres. La faune de la banquise ne peut être qu’une faune marine.


Le régime de la banquise arctique avait été deviné par Nansen, et cette notion lui avait fourni le plan de campagne qui a été si parfaitement justifié par l’événement. On savait que l’immense plaque glacée se disloque et se reconstitue perpétuellement, sur place ; qu’elle se détruit par le bas en se dissolvant dans l’eau qui la baigne, et se refait par le haut, au moyen des chutes de neige atmosphériques. Mais il y a quelque chose de plus que l’on commençait seulement à soupçonner et que Nansen a clairement aperçu, c’est qu’elle s’écoule d’un mouvement d’ensemble. En plus de tous les va-et-vient auxquels elle est exposée, du fait des vents et des courans, elle subit un déplacement de totalité dont la direction est nettement déterminée. Il y a dérive de la banquise.

La raison de ce déplacement, c’est qu’il y a pour cette masse