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adoucit les angles. Les hautes montagnes, le mont Melbourne, le volcan Erèbe, le mont Terror, s’offrent au regard comme des masses coniques plus ou moins surbaissées. Mais le plus souvent le relief est effacé. La neige tassée en glace a rempli les anfractuosités, comblé les vallées et fait disparaître les inégalités originelles. L’aspect est alors celui d’une nappe indéfinie où aucun accident de surface n’arrête le regard. C’est, en définitive, un glacier colossal qui se dégorge dans la mer ou sur la banquise. On s’en ferait une idée en considérant les glaciers des Alpes et en imaginant qu’un cataclysme ait amené le niveau de la mer jusqu’à la limite des neiges éternelles. On donne le nom d’inlandsis, qui signifie « glace intérieure, » à cette calotte glaciaire.

Si cette vue sur la constitution du continent antarctique est exacte, il n’y a pas de question à se poser relativement à la population d’êtres vivans qui pourrait l’habiter, ou, plutôt, la réponse est évidente : il est inhabitable. Ce ne peut être qu’une morne solitude, inhospitalière à la vie. Bien que personne ne l’ait encore parcourue et que les explorateurs les plus favorisés, comme Borchgrevink, en aient seulement foulé la lisière, on peut être assuré de n’y rencontrer, en fait d’animaux, pas d’autres hôtes que ceux de la banquise, en déplacement temporaire. Et, quant aux plantes, à peine peut-on espérer d’y trouver quelques-unes de ces algues microscopiques que Nordenskïold a observées sur la calotte glacée du Groenland, où elles produisent le phénomène de la neige rouge, et que, Nansen a retrouvées plus tard. Au contraire, on va voir que la banquise présente une flore et une faune remarquables, sinon parle nombre des espèces, au moins par celui des individus.


II

Les conditions géographiques de la zone glaciale arctique sont différentes de celles de la zone antarctique. Une mer profonde de trois à quatre mille mètres en occupe le centre. Cet océan qui entoure immédiatement le pôle Nord confine à des terres plus ou moins découvertes, comme le Groenland, la terre, ou mieux l’archipel de François-Joseph, et les parties boréales des grands continens asiatique, américain, et européen, avec le Spitzberg, la Nouvelle-Zemble et les îles de la Sibérie.