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scientifique que le navire de M. Borchgrevink, le Southern Cross, conduisait vers le continent antarctique et débarquait sur la Terre Victoria, où elle a séjourné un an.

Cela ne veut pas dire que l’âme de ces hardis pionniers soit insensible à toute espèce de gloire sportive. Chacun a rêvé de rompre, le premier, le cercle magique qui défend le pôle, arctique ou antarctique, réduit inviolé, but inaccessible jusqu’ici de tant de vaillans efforts. Nansen abandonne son navire le Fram lorsque la dérive l’éloigné du point mystérieux, et seul avec Johansen, il entreprend sur la banquise, à travers tous les périls, la marche hasardeuse qui devait l’amener, le 7 avril 1895, à la latitude de 86° 13’ 6", plus près qu’aucun de ses prédécesseurs du point mystérieux. Tout le monde sait que le duc des Abruzzes vient de battre ce record de quelques minutes.

Même poursuite ardente du côté du pôle Sud. Quand le Southern Cross réussit, avec un bonheur presque inespéré, à rejoindre les explorateurs, abandonnés un an auparavant sur la plage glacée, M. Borchgrevink ne veut pas revenir en Europe sans avoir battu le record de James Ross, qui en 1842 avait atteint le parallèle de 78° 10’. Il cherche une brèche dans la falaise, et il s’avance, en traîneau, jusqu’au parallèle de 78° 50’. L’honneur était sauf.

Il y a cependant, plus de gloire certaine à résoudre quelques-unes des questions scientifiques qui se posent à propos de ces régions inconnues. Et parmi ces problèmes il y en a un, celui de la vie animale et végétale dans la zone polaire, qui offre un réel intérêt. Il a donné lieu déjà à des observations assez nombreuses et assez nouvelles pour mériter l’attention des naturalistes de profession et assez générales pour intéresser tout le monde.


I

Il y a dans l’une et l’autre région polaire quatre paysages différens, la banquise, l’inlandsis, la terre découvrable et la mer, c’est-à-dire quatre milieux diversement appropriés à l’exécution des actes de la vie et au développement des êtres vivans. Et ces quatre aspects de l’habitat des animaux et des plantes ne sont pas également répartis, ni distribués de la même manière, autour du pôle boréal et autour du pôle austral.

La zone antarctique est la plus simple. Les terres susceptibles