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Des autres pièces d’armures exposées à côté, il y a peu à dire, ce sont des débris datant de François Ier jusqu’à Louis XIII. Une lourde salade de champ clos, à masque grillagé, d’acier noirci, est chargée, à profusion, de sujets repoussés, encadrés dans des cordons à rinceaux fins incrustés d’or. Ce casque rappelle, par ses détails d’exécution, la targe amygdaloïde conservée au Louvre et qu’on appelle le bouclier d’Henri II. Son exécution est encore plus pauvre, le dessin de certains cavaliers ne présente pas absolument la caractéristique de l’époque. En tous cas elle manque absolument du précieux par lequel se recommande notre targe de l’ancien Musée des Souverains. Cet objet, qui vient, je crois, d’une collection allemande, est plus que probablement de travail français. La médiocrité des ajustages, contrastant avec l’excès du décor, indiquerait la facture d’un orfèvre, plutôt que d’un armurier. Cette pièce mériterait d’être examinée de plus près. Je citerai, en dernier lieu, un chapel de fer du XVe siècle, forme archaïque que les Allemands employaient encore dans les joutes, bien après que ces modèles eussent cessé d’être en usage à la guerre. C’est un objet intéressant qui appartient au Musée d’Abbeville. Il compte parmi les bonnes pièces de l’Exposition, comme aussi cette bourguignote du Musée de Chartres, contemporaine d’Henri III, sans doute, et qui est dans la tradition allemande, avec les monstres largement repoussés sur son timbre. Mais à considérer les productions des Frauenbrys, des Hopfer et des Coleman, au pavillon de l’Espagne, on voit qu’il s’agit là d’une pauvre et médiocre réplique. L’art français n’a rien à gagner à la réclamer pour sienne. Disons, pour finir, qu’il est vraiment fâcheux que la section archéologique des armes n’ait pas été mieux organisée au Petit Palais. Il ne manque pourtant pas à Paris de collections privées — sinon publiques — où l’on aurait pu choisir de merveilleux objets, triés un à un, pour former un petit, mais parfait ensemble, qui eût été à la gloire de notre Exposition, tandis que tout cela est disséminé, noyé, dans la section des Armées de Terre et de Mer, parmi le matériel roulant et les modèles réglementaires. Dis aliter visum ! La seule consolation qui nous reste est de penser qu’à notre époque les Dieux passent vite.


MAURICE MAINDRON.