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le bon public à qui je me suis trouvé mêlé. Comme lui, je me suis tenu, le nez collé aux vitrines, sous l’œil jaloux des gardiens, dans l’espoir de percer le voile de mystère qui recouvre la plupart des envois provinciaux. Je n’ai tenu aucun objet en main, j’ai pris mes notes furtivement, tant il a été recommandé aux garçons de salle d’empêcher de prendre des croquis, la phrase est textuelle. J’ajouterai enfin, qu’au contraire de ce que j’ai rencontré chez les commissaires de Hongrie et d’Espagne, c’est-à-dire la courtoisie, la bonne grâce et le désir de rendre service, je n’ai obtenu, de l’organisateur français, que silence et dédain, Sans doute le projet, dont je m’étais ouvert, de renseigner les lecteurs de la Revue lui avait-il paru téméraire. Mais cela est peu de chose. L’important c’est que le public puisse profiter des richesses nationales accumulées dans ce Petit Palais. Des conférences ont été annoncées où on l’instruira, à certaines heures, sur la nature des objets exposés. Je souhaite que la parole des démonstrateurs ait corrigé ce que les étiquettes présentent de contraire aux notions premières.

Quoi qu’il en soit, on pourra se rendre compte de la pauvreté générale de nos Musées de province, en fait d’armes. Cela tient, non pas tant à une mauvaise administration, qu’au vandalisme et à la cupidité révolutionnaires. Il y a plus, les destructions et les vols ne datent pas seulement de la Terreur, ils remontent beaucoup plus haut, ils tirent leur cause même de l’esprit foncier de notre race qui méprise les choses du passé et sacrifie tout à la mode du jour. Ce reproche n’est plus pour aujourd’hui, s’entend. Car maintenant on collectionne avec passion tous les débris du passé, et cela avec d’autant plus de zèle que la valeur marchande des curiosités va de jour en jour augmentant. Et c’est là le bon côté de cet excès même de l’esprit mercantile, en quête de bons placemens, puisqu’il préservera, entre mille choses inutiles, les raretés dont bénéficiera la postérité. Il est heureux que le Trésor de Pouan n’ait pas été découvert avant la Révolution, car je doute qu’il nous fût parvenu ; on l’aurait bien vite envoyé au creuset étant donné la qualité de son or, qui est au plus haut titre. On sait que l’épée et le scramasaxe de Pouan comptent, avec les débris de l’épée, dite de Childéric, parmi nos monumens nationaux les plus vénérables. Attribuées à Théodoric, roi des Wisigoths, par Peigné-Delacour, ces armes remarquables par leurs montures où des tables de verre rouge sont encadrées dans