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médaillons oblongs qui en chargent le champ y sont ajustés au moyen de vis dont on n’a même pas dissimulé les têtes. Mais c’était là le parti général d’ornementation de tout le harnois, dont cette rondache est une des pièces, et dont le bel armet, chargé de trois masques, est pareillement exposé à Paris. Longtemps attribuée à Don Juan d’Autriche, cette magnifique armure, richement repoussée et dorée, a été rendue, grâce aux recherches patientes du comte de Valencia, au roi Philippe III, son véritable propriétaire. Elle avait été donnée à ce monarque, en 1603, par le duc de Savoie, avec d’autres armes de luxe, et comprenait un harnois complet de gendarme, avec plusieurs casques, une rondache, et tout un caparaçon de cheval où quantité de médaillons ciselés s’appliquaient sur la housse, la bride, et la selle en velours noir ; la bande de crinière et le chanfrein étaient du même travail que l’armure. Tous ces objets existent encore à l’Armeria de Madrid, à l’exception de quelques modillons volés, jadis, par des gardiens infidèles et qui se trouvent soit à notre Musée d’Artillerie, soit dans diverses collections particulières. Mais, pièces plus importantes, les brassards et les gantelets, une partie de la cuirasse manquent aussi. Tout récemment, le comte de Valencia en a retrouvé la mention, et l’histoire en est intéressante. Quand l’infant D. Carlos mourut, en 1632, à l’âge de vingt-cinq ans, on l’ensevelit avec des vêtemens d’apparat et des pièces d’armes qui appartenaient à son père. L’inventaire de l’Armeria Real de 1632 mentionne ces pièces : gola, coraza entera, con escarcelas, guarda brazos con brazales, y manoplas. On remarquera que l’habit de fer du vivant pouvait convenir au mort, car lorsque le duc de Savoie fit son cadeau à Philippe III, celui-ci n’avait que vingt-cinq ans, âge de l’infant défunt. Quand on installa à l’Escorial le tombeau des princes, on retrouva les pièces d’armes dans le cercueil de Don Carlos, mais ce n’étaient plus que des débris chargés de rouille, et on les y laissa.

Avec le casque et la rondache de Philippe III se termine la superbe série des trente objets qu’a exposés la couronne d’Espagne : douze boucliers et dix-huit casques, choisis entre les plus riches et les plus précieux qui existent. Je n’ai parlé que de quelques-uns, tous méritent une mention spéciale. Mais les amateurs trouveront ces mentions exposées d’une manière précise, substantielle et succincte, dans le petit catalogue, rédigé en excellent français, que le comte de Valencia a publié dès les