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médiane qui s’arrête à sa première moitié. Sa marque, un S inscrit dans un cercle, indique une forge de Séville ou de Saragosse. Les lames d’un pareil modèle, anciennes ou récentes, sont communes en Arabie, et beaucoup portent le loup de Passau, poinçon qui est peut-être identique au Perillo du fameux Julian del Rey, armurier préféré, suivant une légende, de Ferdinand le Catholique qui aurait servi de parrain à ce mozarabe repentant. On a attribué à Julian del Rey la lame de l’épée hispano-mauresque que le duc de Luynes donna à notre Cabinet des médailles et qui a été décrite et figurée en maints endroits.

L’épée de Boabdil et ses sœurs sont ces épées, dites à la genète, dont la mode arma Musulmans et chrétiens d’Espagne pendant une bonne partie de la Renaissance. Ces belles armes complétaient l’accoutrement léger, où la maille tenait la principale place, du cavalier genétaire. On disait alors un genêt pour un cheval barbe, des étriers, un mors à la genète, pour des étriers et un mors construits dans la tradition arabe ; monter à la genète, s’armer à la genète, étaient des locutions familières aux XVe et XVIe siècles. Le bouclier de bois à deux lobes appelé adargue, la sagaie ou javeline étaient les complémens de l’équipement à la genète. Tous ces objets ont aujourd’hui disparu ; à peine quelques rares pièces de l’Armeria de Madrid peuvent-elles nous en donner une idée. Ce qui vient ajouter à cette idée, encore, ce sont les dagues à oreilles, dites levantines, et aussi stradiotes, que l’on peut voir en diverses collections. Une des plus belles est encore celle de Boabdil, et elle est, sans contredit, la plus complète, car elle n’a perdu ni son fourreau, ni son petit couteau bâtardeau, ni son gland de passementerie.

On entend par dagues à oreilles des armes courtes que l’asymétrie de leur lame devrait, en bonne justice, faire rejeter, pour la plupart, parmi les couteaux à armer, si les objets créés par la fantaisie de l’homme se laissaient ramener à des classifications systématiques comme les produits de la création. La nature de leur monture, où des attelles d’ivoire ou de corne sont rivées, dans bien des cas, sur une soie aplatie, où le pommeau massif des dagues est remplacé par une capule à ailerons, vient s’ajouter à ces caractéristiques, pour les faire rentrer dans la catégorie des couteaux. La levantine de Boabdil a sa poignée en fer plaquée de cuivre jaune doré et d’ivoire profondément ciselé en arabesques ; une matière noire remplit les creux. La capule