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la Constitution, c’est au peuple qu’il s’adresse ensuite pour exposer dans un discours, qui remplira plusieurs colonnes de journal, le programme de sa politique. Debout sur l’estrade découverte, qui a été édifiée au bas du grand escalier du Congrès, le nouveau président domine d’un mètre ou deux à peine la multitude qui couvre de ses vagues houleuses l’immense place environnante. Il semble qu’il n’aurait qu’à étendre la main pour toucher du doigt les premiers rangs de ses auditeurs. La date de l’inauguration correspondant à une période hivernale parfois très rigoureuse, cette station prolongée sur une plate-forme qui n’a d’autre plafond que la voûte du ciel peut presque devenir un acte d’héroïsme. Le 4 mars 1893, lorsque le président Cleveland haranguait la foule au Capitole le thermomètre était descendu au-dessous de zéro et par momens la neige tombait à flocons.

La scène est d’une simplicité qui tire toute sa grandeur des circonstances. La formule du serment est lue à haute voix par le Chief Justice (chef de la Cour suprême), le président en répète un à un les mots sacramentels la main posée sur la Bible qu’il porte ensuite à ses lèvres. « Je jure solennellement, dit-il, de remplir fidèlement les devoirs de la charge de président des Etats-Unis et de faire tout ce qui sera en mon pouvoir (to the best of my ability) pour maintenir et protéger la Constitution. » L’exemplaire du livre saint qui a servi pour cette cérémonie est remis au nouvel élu en souvenir de son inauguration. Pour les lecteurs qui douteraient que le sentiment soit conciliable avec la politique, j’ajouterai que, lors de ses deux élections, le président Cleveland a tenu à prêter serment sur une Bible qui lui venait de sa mère.

Tout autre est le caractère de la « parade » qui clôt la cérémonie d’inauguration. On peut dire que du haut de la tribune qui a été dressée pour lui en face de la Maison-Blanche le président va passer la revue de son parti. Les élémens les plus divers figurent, en effet, dans ce défilé de 40 à 50 000 hommes[1], qui commence peu après le retour du Capitole pour se prolonger parfois jusqu’à la nuit.

En tête du cortège marchent d’ordinaire plusieurs brigades de l’armée régulière, puis viennent les milices particulières, les gardes nationales des villes de l’Union connues pour leur

  1. Chiffre relevé lors de la seconde inauguration du président Cleveland.