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sont des secours gratuitement offerts à l’infirmité humaine ; elle trouve son expression parfaite dans l’Eucharistie, qui perpétue la présence du Rédempteur sur la terre, le fait habiter en ces pêcheurs et nourrir leur faiblesse de sa vie. La bonté enfin donne son témoignage suprême sur le Calvaire où le Christ offre à la justice éternelle, en compensation des châtimens mérités par les fautes des hommes, les souffrances imméritées d’une victime sans tache, et par sa mort confirme sa mission.

De sa vie et de sa mort, les enseignemens coulent comme d’un principe. Puisque le plus évident attribut de Dieu est la miséricorde envers l’homme, le devoir le plus impérieux de l’homme est l’amour de Dieu : « Aimez Dieu par-dessus toutes choses. » Puisque Dieu a montré par de si extraordinaires preuves quel prix il attachait à sa créature, combien plus encore cette créature doit-elle devenir respectable à l’homme ! Il faut honorer en elle l’intérêt qu’elle inspire au créateur ; l’amour du prochain devient ainsi l’hommage le plus efficace par lequel l’homme puisse prouver son amour de Dieu : « Aimez votre prochain comme vous-mêmes. »

Par là est condamnée l’inique préférence que chacun se garde au détriment de tous, la plus universelle et la plus vivace des idolâtries. « Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fit. » Voilà la règle simple à comprendre, difficile à observer qui interdit non seulement les entreprises sans scrupules sur les biens et les intérêts d’autrui, mais les excès d’autorité, les abus d’influence, les mauvais exemples, les conseils suspects, les moindres scandales, toute complicité, fût-ce celle d’un souffle, dans un dommage causé au prochain. Ces préceptes, qui avaient été à peine indiqués par les plus hautes philosophies comme un conseil, deviennent de devoir strict.

A ceux qui se sentent capables de monter plus haut encore, le Christ indique la voie des parfaits ; servir les autres plus que soi-même, s’oublier. Dans le renoncement jusque-là entrevu par les sages survivait un égoïsme subtil, qui, après avoir discerné la médiocre valeur et l’éclat passager des choses humaines, refusait d’être dupe et se complaisait à se distinguer du vulgaire : ceux qui semblaient le plus détachés de tout n’étaient pas détachés d’eux-mêmes. Le Christ convie ses disciples à de plus entiers sacrifices : il ne leur demande pas de devenir étrangers seulement aux avantages qui ne méritent pas un désir, mais aux biens dignes