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siècles avant notre ère, l’Egypte n’ignorait pas le Dieu incréé et créateur, immatériel et maître de la matière, indivisible et partageant sa providence entre la multitude des êtres et la succession des âges. Elle ne doutait pas de la vie future, séjour de malheur ou de joie pour chaque homme selon ce qu’il aurait fait en ce monde, elle avait préparé contre la faiblesse qui le sollicite au mal les conseils les plus hauts de sagesse et de sainteté. Et, consciente qu’entre le monde des vivans et le monde des morts subsistaient des rapports invisibles, que les mérites des vivans pouvaient racheter les fautes des défunts, elle possédait la foi consolatrice en la communion des saints. Ces croyances de l’Egypte ont le même aspect de solidité simple et de puissance calme que ses monumens. Elles sont étrangères aux incertitudes qui accompagnent les philosophies moins anciennes, comme si, près de l’heure première où il avait été formé par son Créateur, l’homme n’eût pas eu encore le temps de perdre le souvenir.

Les philosophies venues ensuite et moins fortes de quiétude, ont cherché à pénétrer plus à fond le secret de la vérité. Si Dieu est bon et si l’homme est destiné au bonheur, pourquoi les épreuves de la vie présente et l’épreuve suprême, la mort ? L’Egypte ne s’était pas troublée de ce problème. L’Inde le pose et le résout. Ses antiques écoles de sagesse sont unanimes à enseigner une science nouvelle qui est leur conquête : l’homme doit souffrir parce qu’il est un coupable. La foi des Indiens à la métempsycose, leur opinion que les demeures successives de l’être humain sont déterminées par les fautes commises dans des existences antérieures, mêlait d’hypothèses sans valeur l’idée fondamentale d’une chute originelle à expier. Cette expiation, d’après les Brahmanes, s’opérait de soi-même, par la seule vertu des épreuves extérieures que l’être coupable subit. Les philosophes bouddhistes combattent le matérialisme de cette doctrine. Ils disent que la perversité de l’âme ne saurait être effacée par les douleurs du corps ; que la vertu absolutoire des peines n’est pas dans leur amertume, mais dans le consentement du patient à les subir ; que sans cette collaboration de l’âme résignée à reconnaître, à aimer, à appeler la justice de la douleur, la douleur ne lave pas. Ils proclament que la régénération du coupable est le repentir, et la preuve même du repentir l’aveu de la faute : cinq cents ans avant le Christ, ils rendent hommage à l’efficacité de la confession. Mais en même temps la philosophie bouddhiste