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l’Allemagne montrait, au contraire, un empressement très vif à marcher avec la Russie et la France. Ce rapprochement, que les circonstances avaient amené, et qui éveillait ailleurs quelques susceptibilités, causait beaucoup de satisfaction à Berlin. Nous n’en sommes que plus curieux de voir si l’Allemagne persistera dans la politique qu’elle suivait à cette époque, ou si d’autres vues l’en détourneront. Quel que soit le résultat de cette épreuve, il sera significatif. L’empereur Guillaume, nous avons eu plus d’une fois déjà l’occasion d’en faire la remarque, dirige moins prudemment sa rhétorique que sa politique. Il a témoigné jusqu’ici avec tant d’éclat du prix qu’il attache à être toujours d’accord avec l’empereur Nicolas que, s’il se décide dans l’occasion actuelle à s’écarter d’une habitude aussi bien prise, cette dernière démonstration nous instruira, bien plus encore que les précédentes, sur l’intérêt passionné qu’il attache à sa politique en Chine. Nous n’en serons pas plus éclairés sur cette politique ; mais nous saurons du moins qu’il n’hésite pas devant les plus grands sacrifices pour en poursuivre l’objet mystérieux.

C’est en cela surtout que les affaires de Chine, dans la phase où elles sont entrées, méritent toute notre attention. Qu’on quitte Pékin ou qu’on y reste, cela n’a qu’une importance secondaire; mais il y en a une très grande à constater l’attitude des diverses puissances à l’égard de la proposition russe. C’est une sorte de pierre de touche qui permet de mieux juger des dispositions les plus intimes des unes et des autres. Il semble d’ailleurs, si on se retourne du côté de la Chine elle-même, que la question de l’occupation ou de l’évacuation de Pékin y agite beaucoup moins les esprits qu’elle ne le fait en Europe. D’après les dernières nouvelles, les négociations en vue de la paix ne sont pas encore commencées, mais elles peuvent l’être dans peu de jours. Le prince Tching est déjà rentré à Pékin, qu’il avait quitté avec la cour impériale. On se rappelle sans doute que, pendant les derniers troubles, il a montré quelque modération envers les étrangers et leur a même, dit-on, prêté secours : il n’était pas partisan de la politique meurtrière qui avait prévalu dans les conseils de l’Impératrice. Il a reçu une double mission, qui consiste à se mettre en rapport avec les ministres étrangers et aussi à exercer un contrôle sur l’administration de la capitale. Cette administration étant actuellement entre les mains de nos commandans militaires, peut-être y a-t-il là une invite à la remettre au prince Tching. En tout cas, un lien existe dès aujourd’hui entre le gouvernement impérial et les puissances. On annonce d’autre part que Li-Hung-Tchang a reçu des pleins pouvoirs pour