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ces discours ne fournissaient pas une réponse assez claire pour être pleinement rassurante. Un de ces discours paraissait même donner à la mission du feld-maréchal de Waldersee en Chine un caractère politique, en même temps que militaire. Qu’on nous passe le mot : cela a effarouché. L’Allemagne voulait-elle donc s’attribuer la direction de toutes les affaires en Extrême-Orient ? Très probablement cela n’était pas dans ses intentions, mais ses allures pouvaient le faire craindre. Aujourd’hui qu’elle se trouve en présence de la proposition russe, on comprend qu’elle réfléchisse avant de répondre. Nous l’avons vue jusqu’à ce jour s’appliquer à marcher d’accord avec la Russie. Elle n’a rien négligé pour donner l’impression que son intimité avec celle-ci était assez étroite pour qu’elle n’eût à cet égard rien à envier à aucune autre puissance. Nous voulons le croire ; mais il semble qu’une entente aussi parfaite ait besoin, pour se maintenir, d’un échange continuel de vues, et que cet échange n’ait pas toujours eu lieu dans ces derniers temps entre Saint-Pétersbourg et Berlin. L’empereur Guillaume a peut-être cru le contraire, puisqu’il s’est imaginé, par exemple, que l’empereur Nicolas ne s’était pas contenté d’accepter la nomination du feld-maréchal de Waldersee et qu’il l’avait suggérée : cette erreur même prouve que l’accord des deux gouvernemens a été quelquefois, au moins d’un côté, l’effet d’une illusion complaisante. Quoi qu’il en soit à ce sujet, il reste à voir aujourd’hui si la bonne intelligence que l’empereur Guillaume a toujours voulu maintenir entre l’Allemagne et la Russie amènera finalement la première à se ranger à l’opinion de la seconde dans la question de Pékin. Quant à espérer que la Russie modifiera cette opinion, ou même qu’elle l’atténuera, on ne peut guère y compter : elle s’est trop engagée pour pouvoir reculer. Mais l’Allemagne n’ayant encore dit ni oui ni non, du moins à notre connaissance, il est très intéressant de connaître la réponse, approbative ou négative, à laquelle elle s’arrêtera. Si elle ne poursuit aucun but particulier en Chine, et si elle ne veut pas sortir du programme commun à toutes les puissances, pourquoi repousserait-elle la proposition russe ? Le feld-maréchal de Waldersee, qui navigue encore vers les mers jaunes, exercera certainement la même intimidation sur le gouvernement impérial, qu’il soit à Tientsin ou à Pékin : il l’exerce déjà avec une entière efficacité sur le pont du navire qui le porte vers la Chine. Nous rappelions plus haut qu’à la suite de la guerre sino-japonaise, l’Angle terre avait fait bande à part et s’était cantonnée dans ce qu’un de ses hommes d’État appelait un splendide isolement. À cette même époque,