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sible un arrangement avec la Chine, et que les autres préférassent le retarder dans l’espoir de le rendre plus avantageux pour eux. On n’a pas tardé, en effet, à se diviser sur la question.

Une dépêche est venue d’Amérique annonçant une nouvelle à laquelle l’opinion n’était nullement préparée, de sorte qu’elle a commencé par jeter quelque trouble dans les esprits. Le gouvernement russe avait pris une initiative qui pouvait passer pour hardie : il émettait l’avis qu’il y avait lieu pour les puissances d’évacuer Pékin, soit militairement, soit diplomatiquement, c’est-à-dire d’en retirer leurs troupes et leurs légations, et cela dans le plus bref délai. Ce n’était pas seulement une proposition que le gouvernement russe faisait aux puissances, mais plutôt une communication, nous allions dire une notification de la politique qu’il était pour son compte décidé à suivre. Il rappelait que l’objet principal de la marche sur Pékin avait été de délivrer les légations assiégées, et que cet objet était rempli. Dès lors, que restait-il à faire ? La seconde partie du programme que les puissances s’étaient proposé en commun consistait à obtenir des réparations pour le passé et des garanties pour l’avenir, réparations et garanties qui devaient être mesurées aux facultés ou ’possibilités du gouvernement chinois. En d’autres termes, on se garderait d’imposer des conditions inacceptables ou irréalisables, plus propres à prolonger l’état de guerre qu’à y mettre fin. Ces principes posés, le gouvernement russe s’était demandé comment il convenait de procéder pour en assurer l’application.

Le gouvernement chinois avait pris la fuite ; on n’avait trouvé à Pékin ni Impératrice, ni Empereur ; on ne savait même pas où ils étaient allés, et la pensée de courir après eux à travers l’immensité de la Chine ne pouvait venir à l’esprit de personne. Cependant, pour négocier, il faut être deux. Rien sans doute ne serait, à la longue, plus embarrassant pour les puissances que de rester à Pékin en tête à tête les unes avec les autres, tête à tête que l’absence du gouvernement impérial finirait par rendre difficile, laborieux, quinteux peut-être, car la présence seule de ce gouvernement était de nature à maintenir entre elles bonne entente et harmonie. De là à conclure à la convenance de quitter Pékin, il n’y avait qu’un pas, et la logique devait le faire franchir assez vite. Le gouvernement russe s’est montré logique : il a pris son parti, sans s’arrêter aux considérations accessoires où un autre aurait pu s’attarder. A son sens, — et il l’a dit, — les troupes internationales devaient évacuer Pékin pour permettre au gouvernement chinois d’y rentrer ; et, comme il était non seulement désirable, mais