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Dauvergne, Duni, Monsigny, développent l’élément musical et donnent au genre nouveau son caractère lyrique. L’opéra comique est désormais viable. Les dernières années de l’ancien régime sont pour lui la période la plus gracieuse de son histoire, celle où l’équilibre subsiste entre ses divers élémens, la seule, en tout cas, où, la comédie n’y étant pas encore réduite à l’emploi subalterne de livret, il appartient à la littérature.

Des deux genres en concurrence, c’est donc l’opéra comique qui s’était trouvé le premier prêt. Cela s’explique aisément, attendu qu’il pouvait utiliser le plus grand nombre des élémens de la comédie foraine : décoration, mise en scène, costumes, danses, ensembles musicaux, donnée merveilleuse. C’est en abandonnant à son brillant rival toutes ces richesses, et ne gardant pour lui que la comédie satirique et le couplet malicieux que le vaudeville pourra se tailler un domaine à part. Encore lui faudra-t-il du temps pour cela, et les spectacles de la foire auront disparu avant qu’il y ait réussi. La disparition même des théâtres de la foire l’y aidera. En effet, sous Louis XVI, les forains émigrent au boulevard ; ces théâtres du boulevard vont sans cesse se multipliant ; ils auront intérêt à exploiter un genre qui n’occasionne que peu de dépenses. D’ailleurs, ici encore, c’est le couplet qui sera l’élément vital ; le « vaudeville » donnera son nom au genre, et les principaux fournisseurs en seront les chansonniers, membres du Caveau. Comme le XVIIIe siècle finissant nous avait donné les paysanneries de l’opéra comique sentimental, nous devrons au XIXe siècle commençant le vaudeville bourgeois de Désaugiers. Désormais installé à la scène, le couplet s’imposera comme un ornement nécessaire jusqu’au temps de la Dame aux camélias et des Filles de marbre, et le vaudeville, modifié et perfectionné par Scribe, envahira la comédie.

Il resterait en effet, et ce ne serait pas le côté le moins curieux de la question, à suivre l’influence exercée par les théâtres forains sur les autres théâtres et à constater la répercussion des genres nouveaux de l’opéra comique et du vaudeville sur ceux qui occupaient les grandes scènes. De bonne heure, les Grands Comédiens et les chanteurs privilégiés se préoccupèrent des succès de leurs humbles rivaux, et, si le premier moyen dont ils s’avisèrent fut de tâcher de les réduire au silence, un autre fut de chercher à leur dérober quelques-uns des procédés par lesquels ils avaient su conquérir l’applaudissement. Déjà en 1726, dans le prologue de la parodie d’Atis, la Folie constate l’envahissement de tous les théâtres par le genre forain. Elle est allée à l’Opéra : on y jouait un opéra comique de Piron. Elle est entrée à la