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dans la comédie foraine. Mais ce n’est par aucun d’eux qu’elle se caractérise et elle ne leur emprunte pas son nom. L’élément vivant, déjà tout prêt à se développer et d’où vont prochainement sortir deux genres encore inconnus, c’est le couplet. Ces couplets, que jadis les spectateurs entonnaient en chœur sur des airs connus, sont maintenant semés dans la prose du dialogue et l’acteur les chante sur des airs nouveaux composés par le musicien de la troupe ; d’autres couplets, d’intention malicieuse, forment le « vaudeville » par lequel se terminent les pièces et aussi indispensable à la fin d’une comédie foraine que l’envoi à la fin d’une ballade. C’est ici le principe actif et fécond pour un avenir prochain. De là le nom de « comédie en vaudevilles » que portent ces pièces, ou celui plus généralement adopté « d’opéra comique » qu’elles portent depuis 1715 et qui sert même à désigner le théâtre de la foire. Constituées en effet par le mélange du dialogue en prose et des couplets en vers destinés à être chantés, elles tendent à devenir ce que nous appelons encore l’opéra comique et ce qu’on appelait jadis le vaudeville à couplets. Opéra comique et vaudeville ne sont pas encore distincts l’un de l’autre, mais se confondent dans un seul genre aux limites mal fixées. Pour se constituer définitivement, se différencier et achever de se définir, il leur reste bien des progrès à faire. Le premier est précisément d’éliminer tous ces élémens que nous avons énumérés, qui les masquent et qui les étouffent. Un autre est de répudier le concours d’Arlequin et de Scaramouche, utiles auxiliaires de la première heure, mais que doit bannir le genre nouveau s’il veut être chez lui et n’employer qu’un personnel qui lui appartienne. Un autre, non moins important, consiste à rejeter je ne dis pas le libertinage dont on s’accommodera souvent, mais la grossièreté encore inhérente au répertoire forain de Lesage et de Piron. Car nous voulons bien que les spectacles réglés par ces hommes d’esprit fussent de toutes manières préférables à ceux dont on régalait jadis les badauds des deux Foires ; mais on ne s’attend pas que Lesage s’interdît un genre de drôleries dont Molière et ses successeurs immédiats faisaient encore un usage copieux ; et pour ce qui est de Piron, deux de ses pièces tout au moins, Tirésias et la Rose, n’étaient que le développement de situations des plus scabreuses. Encore ne faut-il pas juger ces pièces sur le texte qui en est parvenu jusqu’à nous. Ce texte n’est guère qu’un canevas sur lequel brodaient les acteurs et qu’ils illustraient de plaisanteries ignobles, ajoutant encore par le geste à l’indécence du mot. En d’autres termes, il faut que le genre né sur les tréteaux de la foire et paré de la