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Porte Trajane, elle fut, dans le défilé, assaillie par les Bulgares en embuscade. Le camp byzantin tomba entre leurs mains, avec tous les bagages, le trésor de l’armée, la tente même du Basileus et les insignes impériaux, L’Autocrator n’échappa qu’à grand’peine au carnage. Il est probable que des généraux et dignitaires byzantins, irrités des façons autocratiques du jeune souverain, mécontens de le voir assumer le commandement suprême au lieu de respecter la tradition des rois fainéans, mirent quelque négligence à éclairer l’armée, à soutenir le prince. L’un d’eux, au récit de Skylitzès, « estima que, si Basile réussissait à vaincre les Bulgares dans cette première expédition, il en serait encouragé à n’en plus jamais faire qu’à sa tête, à commander toujours en personne, à ne plus jamais consulter ni lui ni les autres lieutenans : c’est pour cette raison qu’il s’efforça de faire échouer l’expédition. » Les disgrâces que prodigua Basile II, dès son retour à Constantinople, donnent créance à ces assertions.

Un poète grec de ce temps, Jean le Géomètre, dans sa pièce intitulée le Désastre des Romains dans le défilé bulgare, s’écrie : « O forêts, ô montagnes funestes, ô sinistres amas de rochers parmi lesquels les fauves bondissent sur les cerfs aux abois ! Phaéton, toi qui guides le char du soleil, raconte ces événemens à la grande âme de César. Dis-lui que le Danube a conquis la couronne de Rome. Dis-lui de voler à ses armes. Car, hélas ! les lances bulgares sont victorieuses des flèches romaines. »

Il se passa dix ans avant que Basile II, absorbé par les révoltes d’Asie, où sa couronne et sa vie étaient en jeu, pût songer à prendre sa revanche. Samuel enleva Durazzo, sur l’Adriatique, sans doute pour mieux assurer ses communications avec les ennemis de l’empire grec en Italie. Vladimir, kral de Serbie, vaincu par Samuel, devint son gendre et son vassal. Le tsar de Bulgarie battit l’un après l’autre les faibles contingens, les « petits paquets » que pouvaient lui opposer les lieutenans auxquels Basile avait dû confier ses forces d’Europe. Tandis que le Basileus était à Antioche, dit le Syrien Yahia, Samuel, « cet homme belliqueux qui ne connaissait pas le repos, » s’était mis à reprendre les villes qui lui avaient été enlevées par les Byzantins. A la fin de 995, il avait surpris et battu, près de Salonique, une armée grecque. L’année suivante, comme il venait de dévaster l’Attique et le Péloponnèse, il fut lui-même surpris, de nuit, à un gué du Sperchios, par le magistros Nicéphore