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qui ne furent point écoutées. En plein Xe siècle, l’Orient put assister à une guerre de commerce provoquée par une lutte de tarifs. Siméon poursuivit cette guerre avec toute la férocité asiatique, dévastant la Thrace, enlevant des milliers de captifs et renvoyant ses prisonniers de guerre avec le nez coupé (888). Pour se défendre, l’empereur Léon VI, dit le Sage (le savant), eut recours à un expédient terrible : l’appel contre ces demi-barbares à de purs barbares, aux Madgyars, qui erraient encore dans les steppes du Nord. Presque dans le même temps, le roi de Germanie, Arnoulf, les appelait contre la Grande Moravie et Léon VI contre la Grande Bulgarie (893). L’ouragan des cavaliers ougriens passa, rejetant les Moraves sur les montagnes de Bohême, les Bulgares sur la rive méridionale du Danube, détruisant pour jamais le contact et la cohésion entre les races slaves du Nord et celles du Sud, pour dévaster ensuite l’empire grec aussi bien que l’empire allemand. Ce recours à des sauvages, païens ou fétichistes, contre le peuple orthodoxe des Bulgares, Léon VI a cherché à le justifier ensuite dans ces lignes quelque peu entachées d’hypocrisie : « La Providence envoyait les Madgyars pour que les Romains chrétiens ne fussent pas contraints à tremper leurs mains dans le sang des chrétiens bulgares. »

Les populations slaves chassées de la rive gauche du Danube vinrent grossir celles de la rive droite et donner une force nouvelle à l’expansion bulgare vers le Sud hellénique. Siméon, qui ne pouvait ignorer d’où partait le coup qui venait de le frapper, dut passer plusieurs années à se défendre contre les hordes hongroises, et Léon VI put mourir en paix, léguant à son fils mineur, Constantin Porphyrogénète, la dette des représailles. Sous cette minorité troublée, les Bulgares enlevèrent Andrinople et trois fois assiégèrent Byzance. Vainement les tuteurs du jeune Basileus, notamment l’usurpateur arménien Romain Lécapène, tentèrent de provoquer de nouvelles diversions barbares, par les Petchenègues, par les Khazars, par les Serbes. Le moment vint où Siméon, vainqueur des Magyars, dompteur des Serbes, maître de la péninsule presque entière, réduisit l’hellénisme à la possession de deux îlots, la Grèce propre et la capitale. En outre il avait jugé que le simple titre de prince (knèz ou archonte) ne répondait plus à sa puissance nouvelle ; le titre impérial de « tsar, » qu’il ne pouvait demander au Basileus, il l’obtint facilement du pontife romain. Il en obtint également l’autonomie