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l’empereur Héraclius fut obligé d’appeler en Asie toutes les légions « romaines, » d’abord contre les Perses de Chosroès, puis contre les Arabes, que les frontières d’Europe, assez mal gardées jusqu’alors, achevèrent de se briser, et que l’infiltration devient inondation. Deux grandes masses de Slaves apparaissent, l’une dans les provinces du Nord-Ouest, sous les noms de Serbes, Dalmates, Chrobates ou Croates ; — l’autre, encore innomée, dans les provinces du Nord-Est. Celle-ci se forma de tribus étroitement apparentées aux Slaves russes : de Smolènes, frères de ceux qui bâtirent Smolensk ; de Sévériens, comme ceux de la Desna ; de Drégovitches, comme ceux qui cultivaient les rives du haut Dnieper et de la Düna, etc. L’appellation commune, le vocable national que ces tribus devaient porter dans l’histoire leur fut imposé par un nouveau ban d’envahisseurs, qui finirent par s’absorber en elles, ne laissant surnager sur l’amalgame en ébullition que leur propre nom. Dans la horde bulgare qui créa la Bulgarie, certains ethnologues, comme M. Hovaïski, n’ont voulu voir qu’une tribu slave attardée, sur les bords du Volga et du Don, à mener la vie nomade avec les tribus finno-turques. D’autres, moins entichés de l’orgueil de race, les rattachent nettement à la famille finno-turque, au même titre que les Huns, les Avars, les Madgyars, et que les Turcs ottomans. Leur principal argument est qu’il a subsisté, jusqu’au XIIIe siècle, sur le moyen Volga, une autre nation bulgare, dont la capitale, Bolgary la Grande, détruite par les Tatars Mongols, a laissé des ruines encore aujourd’hui visibles : cette nation, reconnaissable aujourd’hui dans les tribus tchouvaches, aurait toujours présenté les traits caractéristiques de la race ouralo-altaïque.

Nous n’avons pas à discuter ici les deux thèses ethnologiques. Que les Bulgares primitifs aient été des Slaves purs, ou des Turcs slavisés ensuite au contact des tribus de la Mésie, c’est bien une nation slave, sans mélange d’élémens finnois dans sa langue, sans altération dans son type européen, qui s’est formée sur les rives du Danube pour se répandre ensuite dans les campagnes de la Thrace et de la Macédoine ! Nous ne rechercherons même pas si les 9 000 Bulgares, qui avaient poussé jusqu’en Bavière et qui y furent massacrés en 631 par ordre du bon roi Dagobert, parlaient une langue slave ou un idiome turc. Notons seulement que c’est vers la fin du VIIe siècle qu’Asparuch ou Isperich, chef d’une horde de ces Bulgares