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hétérogènes seront absorbés dans ces mêmes États : ce qui établit une sorte de compensation. A prendre la situation actuelle, l’importance respective des races chrétiennes qui aspirèrent autrefois à l’hégémonie de la péninsule peut s’exprimer par ces chiffres : environ 5 millions et demi de Grecs ; environ 5 millions et demi de Serbes ; environ 5 millions de Bulgares. Au total, 10 ou 11 millions de Slaves contre 3 ou 4 millions d’Hellènes. Ceux-ci ne forment que le tiers ou le quart de la population totale. On peut donc en tirer cette conclusion que la longue bataille de mille ans, durant laquelle toutes les chances et les plus efficaces moyens d’action se trouvèrent de leur côté, n’a pas été gagnée par eux : ils n’ont guère fait que maintenir leurs positions ; ils restèrent en minorité dans un empire qui porta leur nom et dont leur langue fut la langue officielle. Dès les temps qui précédèrent la conquête musulmane, une seule race de la péninsule fut en mesure d’y disputer à la race grecque la prépondérance : ce fut celle des Slaves.


III

Quand les premiers échantillons, encore clairsemés, de cette race humaine apparurent sur le sol de la péninsule, comme maraudeurs, prisonniers de guerre, soldats mercenaires, colons rivés à la glèbe, ce ne fut même pas sous leur nom ethnique, ni dans des conditions propres à justifier la plus flatteuse de ses étymologies (Slava, la Gloire). Jusqu’au VIe siècle, c’est des brigandages des Antes et des Vendes que se plaignent les chroniqueurs byzantins, qui d’ailleurs les confondent avec les hordes non slaves sous l’appellation classique de « Scythes. » Il faut que les garnisons impériales aient fait une garde bien peu vigilante sur la Save et sur le Danube, ou que les annalistes byzantins aient prêté bien peu d’attention à ce qui se passait en ces régions reculées, car, du Vie au VIIe siècle, l’immigration des Slaves a pris d’étranges proportions. Les chroniqueurs grecs commencent à les connaître sous leur vrai nom, et leurs pages se remplissent alors des révoltes auxquelles se livrent ces intrus, de leurs complicités avec tous les ennemis de l’empire, Arabes ou Avars, de leurs entreprises audacieuses sur les plus fortes villes de la monarchie, Thessalonique et même Constantinople. C’est quand