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L’Afrique occidentale française est donc désormais en branle : l’impulsion est partie d’en haut, le mouvement a été suivi par de nombreuses entreprises privées. Pour être en apparence moins fortes et moins bruyantes que celles de certaines autres colonies, ces entreprises n’en font peut-être que meilleure besogne sans que de ce côté, — cela est remarquable et heureux, — il ait été nécessaire de donner à aucune d’entre elles un monopole commercial.

Le marché qui s’ouvre ainsi à notre activité est-il, ainsi que l’affirment les croyans, d’une puissance à peu près indéfinie, ou au contraire, comme le disent les pessimistes, irrémédiablement restreint par le peu de densité de la population et la paresse invétérée des habitans ? Il serait assurément téméraire de se prononcer radicalement en faveur de l’une de ces opinions extrêmes. Mais quiconque a parcouru, à quelques années d’intervalle, les rives du Sénégal, sait avec quelle extraordinaire rapidité ces contrées se repeuplent, lorsque la traite des esclaves, les guerres intestines et les déprédations périodiques des grands tyrans indigènes ont cessé d’exercer leurs ravages. La « paix française » donnera dans la boucle du Niger les prompts résultats qu’elle a produits au Sénégal. Or si les bouches se multiplient, les besoins croîtront en conséquence. En Afrique comme ailleurs la femme est coquette, et c’est pour satisfaire à ses fantaisies que l’homme se résigne au travail. Certes, des siècles s’écouleront encore avant que le nègre soit en état de fournir à ses compagnes des articles de luxe tels que nous les comprenons en France. Mais, pour n’être pas celui d’ici, le luxe de là-bas ne saurait être indifférent à l’industrie de la métropole.


ANDRE LEBON.