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Il ne s’agit là que de recettes et de dépenses locales. Pour être complet il y faut joindre un autre élément, considérable à la vérité, mais d’un caractère spécial : les subventions métropolitaines. Ces subventions sont nulles au Dahomey et à la Côte d’Ivoire, presque inexistantes en Guinée[1], importantes seulement au Sénégal et au Soudan, où elles s’élèvent ensemble à près de 13 millions. Dans ce chiffre, un peu plus de 2 millions sont employés soit au service de la garantie d’intérêt du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, soit à la participation de l’Etat dans la construction de la voie ferrée de Kayes au Niger. Le reste est presque exclusivement composé de dépenses militaires : au Sénégal et au Soudan sont en effet les réserves centrales des tirailleurs indigènes, où l’on puise, selon les besoins, les détachemens nécessaires pour le service de la côte d’Afrique, voire même les élémens principaux des corps expéditionnaires ou des garnisons de Madagascar ou d’ailleurs ; au Soudan, l’on a dû, jusqu’à la capture de Samory, se tenir sur un pied de guerre à peu près constant vers le Sud, et la garde de la frontière septentrionale, du côté des Touaregs, impose de lourdes dépenses en hommes et en transports. Mais ces dépenses, temporaires pour une large part, ne doivent pas plus être imputées au compte des colonies que nous considérons en ce moment que les frais de la guerre du Transvaal, par exemple, ne sont imputables à la colonie du Cap : elles permettent à la France de couvrir de son drapeau, entre le Sénégal et le Niger, une superficie de territoire pour le moins quadruple de celle que détient l’Angleterre dans la même région.

Quoi qu’il en soit, les chiffres de dépenses n’ont qu’une valeur relative : ce n’est pas en eux-mêmes qu’il les faut prendre, mais dans leurs rapports avec l’ensemble des opérations commerciales effectuées dans la contrée, sinon l’on risque de tenir pour un symptôme de richesse ce qui ne serait en réalité qu’un signe d’appauvrissement. Or si l’on établit la proportion entre les dépenses locales et le commerce extérieur de ces diverses colonies, on voit que cette proportion est de 15,32 pour 100 dans les établissemens anglais ; elle est, pour les français, de 11 pour 100 seulement, ce qui est la preuve que notre administration coloniale n’est point si détestable qu’on le dit couramment, de 13 pour 100

  1. Celle-ci a reçu quelques centaines de mille francs en 1895 et 1896 pour les frais exceptionnels de la colonne de Kong. La Guinée a touché du Trésor 320 000 francs en 1899.