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soin de précipiter le cours des événemens. Les détails du meurtre du capitain Braulot étant encore inconnus et son caractère peu défini, une enquête minutieuse fut prescrite : « S’il y a eu guet-apens, télégraphiait le ministre le 24 septembre, on sera fixé de suite par les survivans ; sinon, Samory cherchera à se justifier. Dans ce dernier cas, après réponse, il faudra exiger un châtiment exemplaire des coupables en présence d’un blanc et l’évacuation immédiate de Bobo-Dioulassou et de Bouna comme garantie. Nos lettres ne devront contenir aucune menace ni laisser percer nos intentions. »

L’enquête ne laissa planer aucune ombre sur les circonstances de la journée du 20 août : le guet-apens dressé par Sarankémory fut nettement établi ; le capitaine Braulot, qui revenait de Bouna, sans y avoir pénétré, sur Lokhoso, avait été ramené vers Bouna par le fils de Samory sous prétexte de malentendu, et avec les marques extérieures de la plus grande confiance, lorsque, à un signal donné, les sofas s’étaient précipités sur lui à coups de sabre.

Aucun retard n’était plus justifiable : il fallait agir, sans s’épuiser en inutiles demandes de réparation, mais sans se départir non plus de la prudence que commandait la situation et en ne progressant que dans la stricte mesure où les communications de nos colonnes pouvaient être assurées. En octobre, le commandant Caudrelier s’empara de Bobo-Dioulassou ; en décembre il occupa les environs de Bouna, où déjà se trouvait un détachement anglais ; en février il s’établit à Oua, où la même rencontre se produisit. Le cercle se resserrait ainsi autour de Samory, mais aucun contact direct n’avait été encore pris avec lui, et les positions occupées étaient plus importantes au point de vue des négociations pendantes avec la Grande-Bretagne qu’au regard de la répression du meurtre du capitaine Braulot.

Cette répression s’imposait cependant : quiconque a jamais manié les populations nègres sait qu’elles sont particulièrement impressionnables et que le moindre échec infligé au prestige des blancs a sur elles de graves répercussions. On s’en aperçut en 1898 comme en tant d’autres occasions antérieures : voyant l’impunité de Samory, le sultan de Sikasso, Babemba, fut pris d’une noble émulation ; il n’osa pas sans doute, comme son voisin et allié, aller jusqu’à l’assassinat, mais, sans aucun motif, alors qu’aucun incident n’était venu troubler nos relations avec lui, il