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l’administrateur du Baoulé, M. Nebout, et d’une lettre où Samory se disait prêt, croyait-on, à traiter avec les Français, la Côte d’Ivoire fût autorisée à organiser une mission qui se rendrait auprès de l’almamy : on devait lui offrir de s’établir à poste fixe sur la rive droite du Bendama, à charge pour lui d’accepter le protectorat et la présence d’un résident français. La mission partit en avril et revint en juillet sans même avoir réussi à joindre Samory : ce dernier prétendait maintenant n’avoir jamais fait d’ouvertures de paix, et avoir seulement voulu répondre aux avances d’un agent plus ou moins avoué de M. Nebout, qui demandait à venir commercer dans les pays occupés par l’almamy.

Ce premier échec ne découragea ni les illusions de la Côte d’Ivoire ni la bonne volonté du pouvoir central. Après l’administrateur du Baoulé, celui de l’Indénié, — M. Bricard d’abord, puis M. Clozel, — se crut en possession de propositions formelles. « J’écouterai des paroles de paix, avait écrit Samory en envoyant quelques cadeaux. J’aime trois mille fois le gouverneur. » Cet amour hyperbolique avait bien quelque chose de suspect, mais comme on désirait éviter ou tout au moins retarder de nouveaux conflits on s’en contenta. On le fit d’autant mieux qu’à la fin de 1896, la Côte d’Or anglaise, qui n’avait jamais combattu Samory, qui lui avait même à diverses époques procuré armes et munitions, lui expédiait une mission importante dirigée par le capitaine Houston[1], mission sur le caractère de laquelle le cabinet de Saint-James, dûment interrogé, ne donna que des explications fort vagues, mais qui, elle non plus, n’atteignit pas l’almamy, car elle fut mise en déroute par les sofas, au mois d’avril, aux environs de Oua. Si Samory se montrait rebelle aux séductions anglaises, sans doute n’avait-il point intérêt à se brouiller avec la France. A la fin de mai 1897, le gouverneur de la Côte d’Ivoire fut invité à envoyer au potentat nègre le secrétaire général de la colonie, M. Bonhoure ; mais en même temps, comme on ignorait si le sort fait au capitaine Houston n’était pas réservé à l’envoyé français, le Soudan reçut l’ordre de rapprocher peu à peu ses postes des régions occupées par Samory.

  1. La Daily Chronicle n’était pas seule à prêcher l’entente avec Samory ; le 28 février 1896, le Times se vantait que l’Angleterre avait toujours trouvé chez lui des dispositions amicales (friendly) ; en mars, la Pall Mall Gazette rappelait que « son attitude avait toujours été favorable, et qu’en deux occasions, il avait offert d’accepter le protectorat britannique. »