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demande des chefs indigènes[1]. « La situation intérieure de la France n’est pas tout à fait satisfaisante, écrivait-il en février, en parlant d’une prétendue agression française sur le Sokoto[2], et dans un moment de faiblesse, des ministres peuvent être tentés de faire plaisir à une clique de politiciens bruyans et à leurs adhérens qui appartiennent à la canaille des grandes villes ou à la section militaire chauvine, en continuant le jeu de tromperie à l’égard de l’Angleterre et en refusant de désavouer les agressions illégitimes d’officiers de bas étage... Il faut que l’action de ces officiers soit immédiatement et catégoriquement désavouée, et que les ordres pour leur rappel et leur châtiment soient aussitôt donnés. » Ces aménités, particulièrement suggestives sous la plume des enthousiastes zélateurs du docteur Jameson et de M. Cecil Rhodes, étaient accompagnées de manifestations sensationnelles du secrétaire d’État des Colonies, M. Chamberlain : à la Chambre des communes, ce ministre lisait, avec une retenue pleine de sous-entendus et d’émotion calculée, les télégrammes relatant l’incident de Oua ou tout autre que l’imagination populaire pouvait amplifier ; il demandait des crédits pour accroître les forces militaires de l’Afrique occidentale anglaise, accrois sèment indispensable, disait-il, « que le différend avec la France ait une solution satisfaisante ou non. » En dépit des efforts modérateurs des organes qui, comme le Standard, représentaient plus spécialement la pensée personnelle du premier ministre lord Salisbury, une impression très nette se dégageait peu à peu : la Grande-Bretagne négociait à Paris, suivant l’expression du Times, dans l’unique espoir « d’obtenir par des moyens amicaux l’évacuation pure et simple des territoires appartenant à sa sphère d’influence, et ce, de la façon la moins blessante pour les sentimens de ses voisins, mais non pas pour écouter des propositions tendant à démembrer davantage ses possessions ouest-africaines. »

A ces attaques, dont plusieurs constituaient de véritables provocations, la presse française, — celle, s’entend, qui a une importance analogue aux journaux anglais précités, — répondait

  1. Janvier 1898. Voir, pour le détail de toutes ces polémiques, la collection du Bulletin du Comité de l’Afrique française.
  2. Il s’agissait de la mission Cazemajou, qui se dirigeait vers le lac Tchad par le Nord de la ligne Say-Barroua, et qui avait reçu l’ordre exprès de ne pas pénétrer sur les territoires que la convention de 1890 avait reconnus comme appartenant à la zone d’influence britannique.