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Or puisque aussi bien l’Angleterre et l’Allemagne s’appliquaient à réaliser un nombre respectable de « faits accomplis » pour mettre la France en échec, celle-ci eût eu le plus grand tort de ne pas prendre les devans. Elle résolut donc, aussitôt après la constitution du cabinet Méline (29 avril 1896), non pas de rompre, mais d’interrompre les négociations de Paris : au lieu de discuter sur textes, elle essaya de se placer dans une position telle qu’elle pût délibérer sur occupation effective[1].

M. Ballot, gouverneur du Dahomey, alors en congé de convalescence en France, reçut l’ordre de rejoindre son poste pour la fin de l’hivernage. Trois officiers, le lieutenant de vaisseau Bretonne ! , les capitaines Baud et Vermeersch, furent mis à sa disposition, avec mandat de remonter vers le 9e parallèle Nord, puis de se déployer en éventail, pour se porter sur les points contestés et y organiser un embryon d’administration française.

M. Bretonnet partit de Carnotville le 28 décembre 1896, accompagné de 100 miliciens et d’autant de porteurs ; avec les seules ressources financières de la colonie, il créa une série de postes dans le Borgou septentrional ; il atteignit Boussa le 5 février, en fit son quartier général durant plusieurs mois, remonta vers Ilo en juin, et descendit à Kayoma en septembre, non sans avoir eu, à diverses reprises, à faire le coup de feu contre les indigènes. A l’automne de 1897, la France occupait la rive droite du grand fleuve de l’Afrique occidentale en amont et en aval des rapides de Boussa.

A la même époque, et avec un effectif moindre que celui de M. Bretonnet, les capitaines Baud et Vermeersch avaient pris la direction de l’Ouest. Ils contournèrent Sansanné-Mango, qu’occupaient les Allemands, pénétrèrent par Pâma dans le Gourma, mirent quelques mois à organiser le pays, puis se séparèrent pour marcher, M. Baud, sur Ilo, M. Vermeersch, sur Nikki, où la France arbora son drapeau le 13 novembre après un assez vif combat.

En même temps, les postes avancés du Soudan français avaient reçu l’ordre de descendre vers le Sud pour opérer leur

  1. La France n’avait alors en cours de route dans cette région que la mission purement hydrographique du lieutenant de vaisseau Hourst, qui, partie en janvier de Tombouctou, atteignit en octobre 1895 l’embouchure du Niger, après avoir reconnu la navigabilité du fleuve.