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circonstances qui précipitèrent l’évolution des événemens. Pour se protéger lui-même et protéger les tribus amies de la France contre les incessantes déprédations de Samory, le Soudan français, qui, seul de toutes nos possessions de l’Afrique occidentale, disposait de forces militaires[1], avait été amené à s’avancer vers le Sud et à refouler progressivement le trop célèbre almamy. D’autre part, en dépit des stipulations expresses de l’acte général de Berlin de 1885, l’Angleterre s’était toujours refusée à réaliser les engagemens qu’elle avait souscrits sur la libre navigation du Niger. Ses concurrens allemands ou français se voyaient donc conduits, pour forcer son consentement, à tenter de prendre pied sur la rive droite du fleuve, soit au-dessus, soit au-dessous des rapides plus ou moins infranchissables de Boussa.

Tel était, dans ses grandes lignes, le champ ouvert aux rivalités des trois grandes puissances de l’Occident européen dans la boucle du Niger. Une activité intense y fut déployée en 1896 et 1897, pour préparer les élémens des conventions de délimitation qui ont été signées le 23 juillet 1897 avec l’Allemagne, le 14 juin 1898 avec la Grande-Bretagne, et pour permettre, peu de semaines après, la ruine définitive de Samory.


II

Dès 1894, la lutte s’engagea dans les territoires vacans sous la forme qui précède toujours, en Afrique, l’occupation effective : des missions sillonnèrent l’arrière-pays des colonies côtières ; les explorateurs cherchèrent à signer avec des chefs indigènes plus ou moins authentiques des traités de commerce ou de protectorat, de manière à pouvoir invoquer lors des réglemens définitifs quelque droit d’antériorité sur les régions contestées.

Ce fut d’abord le métis Fergusson, qui, parti de la Côte d’Or, s’avança par Salaga et Sansanné-Mango vers le Mampoursi, le Gourounsi et le Mossi, pour redescendre par Bobo-Dioulassou et Oua, prétendant, dans cette hâtive randonnée, avoir soumis à l’influence anglaise tous les pays situés jusqu’au 13eparallèle. Bientôt après, le capitaine Lugard quittait le Lagos pour planter le

  1. La colonne dirigée par le colonel Monteil pour s’emparer de Kong avait été dissoute en 1895 ; la Côte d’Ivoire n’avait que peu ou pas de troupes. De même la Dahomey, depuis la soumission de Behanzin en 1892.