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Ce cri de détresse est de 1897 : il est provoqué par les « faits accomplis » depuis moins d’une année. En 1896, la situation était bien loin d’être aussi brillante pour la France, aussi alarmante pour l’Angleterre.

Deux catégories principales d’actes diplomatiques régissaient alors la délimitation des possessions françaises et anglaises dans cette région. À l’Ouest, la colonie britannique de Sierra-Leone était arrêtée aux environs du 10e degré de latitude Nord, et la Gambie, qui forme angle droit avec la première, à Yarbatenda. À l’Est, la convention du 5 août 1890, faite surtout pour obtenir de l’Angleterre la reconnaissance du protectorat français sur Madagascar, étendait « la zone d’influence de la France au sud de ses possessions méditerranéennes jusqu’à une ligne de Say, sur le Niger, à Barrua, sur le lac Tchad, tracée de façon à comprendre dans la zone d’action de la Compagnie du Niger tout ce qui appartient équitablement au royaume de Sokoto. » Cela voulait dire exclusivement à n’en pas douter que, sur la rive gauche du Niger, la France s’interdisait de descendre ses postes au delà de Say.

Entre ces deux régions extrêmes se plaçait une série de cinq colonies, — le Lagos anglais, le Dahomey français, le Togo allemand[1], la Côte d’Or anglaise, la Côte d’Ivoire française, — qui s’étendaient sur le golfe de Guinée, de la rive droite du Niger à la république indépendante de Libéria, laquelle était délimitée elle-même vers le Nord par l’acte du 8 décembre 1892. Ces colonies se peuvent comparer au cinq doigts dirigés vers le golfe d’une main dont la paume serait formée par la boucle du Niger proprement dite. Si les conventions internationales les avaient soigneusement déterminées dans leurs contours longitudinaux jusqu’au 9e parallèle Nord, aucun texte ne les enserrait à leur frontière septentrionale. Ainsi se trouvait exister entre Sierra-Leone et le Niger d’une part, entre le 9e ou le 10e parallèle et le Soudan français de l’autre, une région sans maître, sans maître européen tout au moins, dans laquelle, à l’Ouest principalement, Samory promenait ses hordes pillardes.

Malgré la grande richesse de cette région, celle notamment du Mossi et du Gourounsi, situés au nord de la Côte d’Or, cette situation aurait pu se prolonger de longues années sans deux

  1. Anciennement dénommé Côte des Esclaves.