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15 millions de francs[1]. Puis, la Daily Chronicle concluait ainsi :

« Si Samory n’existait pas, la Côte d’Or serait maintenant tournée comme l’ont été la Gambie et Sierra-Leone. C’est là que se trouve une brèche dans la base du grand triangle nigérien ; c’est là que réside encore une dernière chance pour nous. Il faut nous concilier Samory, en faire notre ami, lui payer un subside raisonnable, travailler à la fois par lui et à côté de lui, si nous voulons mettre obstacle aux empiètemens de la France. Car les nombreuses expéditions françaises qui sillonnent actuellement le Soudan occidental en tous sens enserrent de toutes parts le domaine actuel de Samory, et le gouvernement français ne dissimule pas son intention d’attaquer ce dernier dès qu’une occasion favorable se présentera[2].

« Nous arrivons maintenant au plus sérieux danger qui nous ait encore touchés. Le traité de 1890 stipulait nettement que Say devait être la limite extrême de l’influence française sur le Niger. De ses sources jusqu’à Say, le Niger était français ; il était anglais de Say à son embouchure. Mais il nous semble que le traité de 1890 est moribond ; en fait, il est plus que moribond, il est bien mort. Comment pourrait-il en être autrement, puisque les Français occupent actuellement le fleuve en aval de Say jusqu’aux confins du Nupé ? Ils tiennent la clef des rapides de Boussa, et ils ont rapidement accumulé des troupes, des munitions, du matériel, dans cinq postes sur le fleuve. Une ligne de postes réunit ces stations à Porto-Novo, sur la côte ; de ce dernier point, une ligne télégraphique s’avance rapidement vers le Nord, Le Borgou, le Boussa, le Gando, le Gourma, le Mossi, le Gourounsi sont couverts d’un réseau de postes français et de voies de communication. Qui oserait donc nier ces faits ? A quoi servirait d’invoquer le traité de 1890, si l’une des parties contractantes réplique par l’occupation effective ? Le « fait accompli » est en tout temps un argument difficile à combattre : en Afrique, c’est le seul argument possédant une réelle valeur. »

  1. En 1899, ce chiffre s’est élevé à 25 millions, se partageant par parties presque égales entre les importations et les exportations.
  2. On ne saurait trop recommander cette suggestion de la Daily Chronicle aux méditations de la Saturday Review, qui, à propos de la mission Marchand, dénonçait avec une pudique indignation le « cynisme » apporté par la France dans sa prétention, non pas même de s’allier aux Madhistes, mais d’éviter un heurt violent avec eux.