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LA BOUCLE DU NIGER
1896-1898

La mode est de dire que l’expansion coloniale de la France, dirigée par des conceptions plus magnifiques que pratiques, n’a pas été réglée en proportion exacte des besoins et des ressources actuelles du pays. À cette première critique on en ajoute volontiers une seconde : l’activité commerciale, la faculté d’exploitation économique, ne seraient pas en rapport avec l’excès de nos annexions territoriales, si bien qu’au gré de certains polémistes, le contraste va s’exagérant, après plusieurs années d’occupation, entre l’immensité de nos possessions et la médiocrité des affaires qui s’y traitent.

Peut-être y aurait-il dans cette appréciation pessimiste des choses une part de justice et de vérité, si ceux qui la formulent ne négligeaient communément l’un des facteurs dominans du problème : l’action coloniale est en effet commandée par des préoccupations d’avenir plutôt que par le souci exclusif du présent ; elle est presque toujours déterminée par l’obligation de mesurer son effort sur celui des puissances rivales. Sans doute, il serait plus prudent et plus avantageux, après s’être établi sur un point quelconque du globe, de ne rayonner et de ne s’étendre que dans la limite précise des progrès économiques accomplis et des nécessités évidentes d’accroissement. Mais cela n’est possible que dans les régions où l’on est seul, dans une île, à Madagascar