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Ces partis avancés, qui sont l’objet des inquiétudes gouvernementales, ont éveillé dans les consciences italiennes les plus éclairées et les plus libres des questions et des doutes qui comportent un examen et une réponse : l’insurrection de ces questions et de ces doutes nous paraît être, dans l’histoire de l’esprit public italien, l’épisode le plus important des dernières années. En face de cet épisode, vis-à-vis d’un peuple qui commence à demander le bilan du Risorgimento, l’avènement d’un jeune souverain qui, de son côté, ne connaît que par ouï-dire et d’une façon déjà lointaine les fastes de cette légendaire période, peut être réputé propice. Son âge et son initiative lui garantissent une certaine indépendance d’esprit et de conscience pour comprendre les voix nouvelles qui s’élèvent, brutales peut-être mais sincères, et pour en tenir compte.

« L’Italie est une ; elle n’est pas unifiée. » — « L’Italie méridionale est semblable à une machine éteinte sur un binaire oublié, parmi le va-et-vient d’une centaine de locomotives. » La première de ces formules est de M. Lombroso, l’anthropologiste ; la seconde est de l’un de ses élèves, M. Niceforo, auteur d’un livre qui fit beaucoup de bruit il y a deux ans : l’Italia barbara contemporanea ; et un publiciste de Catanzaro, M. Antonio Renda, ayant questionné à ce sujet un certain nombre de sociologues du royaume, a recueilli, dans un volume intitulé la Questione méridionale, les réponses très détaillées qui lui ont été adressées et qui, pour la plupart, justifient M. Niceforo.

Quelles que soient les causes premières de l’immense distance qui sépare les populations du Nord et celles du Midi, soit qu’on y voie, avec M. Lombroso, M. Sergi, M. Niceforo, l’influence de la diversité des races, soit qu’avec M. Colajanni l’on en impute la cause à des circonstances historiques, ou qu’on admette, avec M. Loria, que la différence de densité des populations suffit à déterminer cette inégalité profonde de civilisation, soit enfin qu’avec M. Ferrero l’on constate le phénomène en renonçant à l’expliquer, il y a là un fait qui subsiste, qui s’aggrave, et qui s’impose à l’attention des hommes d’h)tat de l’Italie.

C’est un député, M. Paternostro, qui écrivait il y a peu de temps dans la Revue des Revues : « L’unité italienne a trouvé le Midi arrêté dans son développement et n’a rien fait pour l’élever au niveau de la civilisation européenne. » A l’origine de cette inertie, on apercevrait certainement beaucoup d’indifférence de