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promptes réformes. Il ne suffit pas, à leur gré, que l’armée mobilisable compte 1 300 000 hommes de plus qu’elle n’en avait à l’avènement d’Humbert, et les effectifs mobilisables de la flotte 161 000 unités de plus[1]. Rome, paraît-il, serait à la merci d’un coup de main, sinon des gardes suisses, tout au moins des Français : c’est du moins ce que prétend, dans un livre qui a fait du bruit, M. Pompeo Moderni. Le livre, écrit à la façon d’un roman de M. Jules Verne, s’appelle le Siège de Rome en 19.. : une armée française occupera la ville sans difficulté ; le gouvernement royal émigrera vers Aquila ; ce sera tant pis pour le Vatican, car il brûlera ; et M. Pompeo Moderni prête aux populations italiennes une telle mollesse de résistance que dès le début de l’ouvrage nous les entendons crier « A bas la guerre ! » et « Vive la paix ! » M. Moderni réclame qu’on fasse des fortifications, des canons et des consciences.

Les alarmes de M. Francesco Crispi ont plus d’autorité que celles de M. Pompeo Moderni : l’ancien ministre d’Humbert Ier, dès le lendemain de la mort de son maître, a sauté sur sa plume depuis quelque temps mécontente, et expédié à la Rivista Maritima un anxieux article, qu’ont reproduit tous les journaux de la péninsule : il affirme qu’en dix ans l’Italie, qui était la troisième puissance maritime de l’Europe, est devenue la septième, et cela en dépit de ses colonies, qui sembleraient l’inviter, au contraire, à développer sa flotte, et en dépit de l’épouvantail de Bizerte, que M. Crispi, toujours gallophobe, promène adroitement sur l’horizon du nouveau règne.


D’autres doléances, qui viennent d’ailleurs, témoignent que les irredentistes tiennent toujours une besogne en réserve pour la flotte et pour l’armée. Le Circoto Trieste de Rome, dans l’affiche même où il pleurait Humbert Ier, glissait cet avertissement d’une opportunité douteuse : « Nos cœurs s’étaient peut-être trop éloignés des fins auxquelles Dieu nous destinait ; que le martyre du roi nous ramène aux saintes traditions auxquelles nous devons l’Italie ! » Comment ce vœu peut être commenté et comment précisé, c’est de quoi l’on se peut rendre compte en feuilletant un fascicule intitulé : le Cri de l’Italie, des Alpes au

  1. Voir pour ces chiffres, et en général pour la statistique des progrès de l’Italie sous Humbert Ier, un article considérable de M. Monzilli dans la Rivista politica e letteraria du 15 août 1900.