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accepté du Pape un plan de conciliazione, si M. Crispi ne l’avait, au nom de la maçonnerie, menacé d’une révolution. Ce p)an mystérieux était-il pour jamais abandonné ? Il est vrai que dans son message d’avènement, Victor-Emmanuel III promettait, en un langage légèrement impérieux que le Vatican sut comprendre, de défendre l’Etat contre tous les périls, « de quelque côté qu’ils vinssent, » et qu’il terminait ce message par une déclaration sur l’intangibilité de Rome. Mais la presse monarchiste ne doutait pas un seul instant que le Vatican, sous les auspices du bon vent qui soufflait, voulût bien excuser ces deux détails. Victor-Emmanuel III, dans son discours du trône, n’affirmait-il pas « son amour de la religion et de la patrie, » au risque d’être corrigé par certains journaux sectaires, qui, supprimant la conjonction, prêtaient aux lèvres royales un hommage à « la religion de la patrie ? »

L’amendement, en un sens, avait je ne sais quoi de prophétique ; c’était bien une « religion de la patrie » qu’on était en passe d’inaugurer. On commettait la maladresse d’espérer du Saint-Siège la plus solennelle des approbations pour le fervent appel que l’auguste Reine mère venait de lancer vers Dieu ; par une ironie d’un goût douteux, c’étaient les journaux généralement hostiles à l’idée religieuse qui sommaient le Vatican d’attribuer une valeur liturgique, garantissant l’accès du culte public, à cette improvisation de la douleur ; comme si la spontanéité qui en faisait le prix avait permis d’en mesurer tous les termes à la norme des liturgistes et de les adapter aux exigences coutumières des théologiens ! Déjà l’on faisait choix d’une heure et d’une église, à Rome même, pour inaugurer cette dévotion... L’oratoire Israélite en donnait l’exemple ; l’Eglise romaine suivrait.

Déjà l’on prévoyait que le Panthéon, sis au centre de la ville, serait un endroit trop turbulent pour abriter cette quasi-résurrection du vieux foyer de la cité, allumé près des tombes des Pères du peuple, ayant des garibaldiens pour vestales, et réchauffant les âmes des populations italiennes ; c’est à Saint-Paul-hors-les-Murs que M. Domenico Gnoli, l’un des meilleurs connaisseurs des trois Romes, rêvait d’installer, pour l’avenir, le mausolée de la maison de Savoie ; sur la frise qui fait le tour de la basilique, 258 papes ont leur portrait, mais ces portraits ne seraient point une entrave ; et l’on s’habituait facilement à l’idée que, trois ou quatre fois par siècle, l’Italie épanouie commanderait,