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Beaucoup d’affiches, du reste, indiquaient, avec autant de netteté que le comportait la discrétion, qu’elles ne prétendaient nullement à cette portée. J’en prendrai comme exemple les Travailleurs du Livre, stigmatisant « un délit que la civilisation humaine, sans distinction de partis, a le devoir de condamner ; » ou bien les indigènes des Marches présens à Rome, constatant que les divergences d’idéal politique s’effacent derrière le soulèvement des consciences, et laissant entendre, ainsi, que cet effacement momentané n’est point une abdication ; ou encore la Société gastronomique, prévenant les passans que, « de par son pacte fondamental, elle s’abstient de toute manifestation politique, » et que pourtant ce elle ne peut se défendre de s’associer à la peine commune. » À bons entendeurs, salut ; et, si parmi les travailleurs du livre, si parmi les indigènes des Marches, si parmi les gastronomes, il y avait des républicains, ils étaient bons entendeurs et remerciaient leur bureau d’avoir prévu leurs susceptibilités.

La « Société ouvrière centrale » et l’« Union universitaire du Vingt-Septembre » pesaient les termes de leurs placards avec une subtile réserve qui laissait entrevoir combien elles eussent été désolées, l’une et l’autre, de passer pour monarchistes. La « Société ouvrière » rappelait que « la conquête intégrale de la liberté et l’amélioration économique du sort des classes déshéritées » est un « idéal qui réunit les hommes de tous partis dans l’œuvre de régénération morale, » et c’est en réfléchissant que la violence ne peut réaliser cet idéal et qu’« elle ne peut ni hâter ni arrêter le progrès humain, » que cette Société protestait contre le crime de Monza. De son côté, l’ « Union universitaire » écrivait :


L’idéal de liberté qui a pu réunir des jeunes gens de tout parti dans une œuvre de régénération morale nous enseigne que le progrès humain ne peut être retardé ni hâté par la violence. C’est en hommage à un tel principe que nous unissons nos pensées à celles de tous les citoyens d’Italie pour déplorer hautement la barbarie d’un acte qui ne peut germer que dans un cerveau malsain, incapable de comprendre l’idéal humain.


Voilà deux déclarations qui font honneur à la jeune Italie : elles montrent que, depuis l’attentat d’Orsini contre Napoléon III, depuis l’attentat d’Agesilao Milani contre Ferdinand de Bourbon, et depuis l’époque, aussi, où M. Crispi, sous le nom de Manuel Pareda, parcourait la Sicile pour enseigner aux futurs révoltés la fabrication des bombes, l’étiage de la moralité publique s’est