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comme commandant des forces internationales en Chine ; aucune rivalité ne pouvait se dresser devant lui ; mais était-il bien nécessaire, pour résoudre militairement la question chinoise, d’envoyer en Extrême-Orient un personnage de cette envergure, et n’y avait-il pas dans ce choix quelque chose d’excessif ? L’événement a déjà répondu, puisque la nomination de M. de Waldersee était à peine faite que les troupes internationales à Tien-Tsin n’ont pas cru avoir besoin de l’attendre pour courir à Pékin : elles y sont effectivement arrivées sans lui. On a sans doute un peu trop méprisé les Chinois jusqu’à ce jour ; ils pourront par la suite devenir sur les champs de bataille des adversaires plus dangereux qu’on ne l’a cru ; mais nous n’en sommes pas encore là, et c’est faire dès à présent beaucoup d’honneur à ces soldats rudimentaires que de brandir sur leur tête, en manière d’épouvantail, sinon la supériorité sur toutes les autres, au moins l’énormité de l’organisation militaire de l’Allemagne, et de leur dépêcher le premier homme de guerre de ce pays, en assurant qu’il l’est aussi du monde entier. Ce n’est pas suivre le précepte d’Horace :


Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus
Incident.


Le dénouement n’avait pas besoin de l’intervention d’un si grand guerrier ! Mais, dira-t-on, il ne peut qu’en profiter. Soit : nous souhaitons qu’il en profite pour se produire avec plus de promptitude. Sinon, nul ne peut savoir ce qui se passera en Chine, lorsque cent mille hommes seront réunis sous la main du feld-maréchal de Waldersee. L’empereur Guillaume ajouterait une surprise de plus à toutes celles qu’il nous a déjà ménagées, si ce déplacement ne devait, en somme, servir à rien du tout. Nous ne lui attribuons pas dès maintenant une politique arrêtée et précise ; il faut laisser aux circonstances la part de hasard qu’elles comportent ; mais, quand on a provoqué l’occasion, et qu’on s’est mis en mesure d’en recueillir le fruit, il est rare qu’elle ne vienne pas justifier une habile prévoyance. En tout cas, le prestige de l’Allemagne en Extrême-Orient ne peut que gagner au rôle que le feld-maréchal est appelé à remplir, et l’empereur Guillaume a su montrer à mainte reprise que le prestige était une force dont il sait admirablement tirer parti.

Il serait facile de poursuivre cette étude et de montrer d’autres puissances encore, soit européennes, soit asiatiques, prêtes à une politique un peu moins désintéressée qu’elles se plaisent à le dire. Comment le leur reprocher ? Cela est dans la nature des choses. Il arrive