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Nous sommes allés, le dimanche matin, à l’église catholique de Lochee. On l’appelle « l’église romaine » dans ce pays d’où la Réforme a voulu bannir le beau mot qui veut dire universel. Chacun de nos hôtes se rend à son temple presbytérien ; car il y en a beaucoup et les Écossais sont très attachés à leur chapelle, à leur ministre. En attendant l’heure de l’office, je me suis promené à travers la petite ville. Tous les magasins sont fermés. On ne rencontre dans les rues fort propres que des fidèles chargés de la Bible et du Church Hymnary. Mon entrée à l’église me donne la sensation très douce que peut éprouver un voyageur quand, loin de son pays, il met le pied sur le pont d’un navire, lambeau flottant de la patrie absente. Rien ne me dépayse ici et tout m’y affranchit de la loi de l’espace. Le prêtre debout au bas des degrés de l’autel, les enfans de chœur, le parfum de l’encens, les paroles latines, le rite sacré toujours identique à lui-même, immuable parmi toutes les différences de race, de langue et de mœurs, symbolisent plus clairement que jamais pour moi l’universalité de la foi catholique et la communion des âmes qu’elle rapproche au-dessus des accidens éphémères et des décors changeans de la vie.

Je passai l’après-midi de ce dimanche d’Ecosse à causer avec M. V... dans la solitude silencieuse de sa bibliothèque. Il m’avait mis entre les mains une histoire de Dundee, illustrée de tous les vestiges du passé, des monumens disparus et de ceux que le zèle conservateur des citoyens entretient avec tant de piété. C’était cette religion du passé que je retrouvais à l’embouchure du Tay comme à celle du Forth, au seuil des Highlands comme dans les marches glorieuses des Basses-Terres. Pendant que je feuilletais l’album, mon hôte lut quelques versets de sa Bible. « C’est un bon livre, me dit-il, très bon pour tous, et vraiment une ressource précieuse par son universelle diffusion. Il a fait beaucoup de bien à l’Ecosse. » Je regardais son visage pensif, qu’une ardeur disciplinée faisait énergique et doux. Il m’évoquait celui de Knox, atténué, apaisé. Ce calme Écossais d’aujourd’hui, avec sa sérieuse sagesse, sa patience et sa piété, son optimisme un peu sombre, m’apparaissait comme un héritier tranquille du Réformateur. Il me représentait clairement l’Ecosse puritaine, qui semble se reposer, depuis John Knox, dans la gravité de ses convictions pratiques et l’harmonieux équilibre de sa foi et de sa vie.

Mais j’avais l’âme encore trop pleine de la gloire passée pour accueillir l’erreur qui représente l’Ecosse comme une terre de