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Ne nous perdons pas dans le détail ; n’allons pas rechercher si telle ou telle formation est militairement plus judicieuse, nautiquement plus aisée à tenir, esthétiquement plus belle à voir que telle ou telle autre. Il suffit que le commandant en chef soit éclairé là-dessus. Ne recherchons pas davantage si les méthodes d’attaque des ouvrages de côte s’adaptèrent toujours exactement aux circonstances locales, tactiques et hydrographiques ; si l’on s’est bien défendu contre les torpilleurs, et si ces derniers furent plus ou moins heureux dans leurs attaques. Tout cela, — d’intérêt secondaire et de discussion quasi-stérile, faute de moyens d’information décisifs, — tout cela s’efface dans la constatation de ce fait simple, mais capital, que pendant trois semaines une armée navale considérable s’est rassemblée, a navigué, a mouillé plusieurs fois en se ravitaillant, sans que jamais aucune avarie sérieuse se soit produite, sans qu’aucun retard ait compromis les desseins du commandant en chef, sans que rien ait révélé l’effort, l’effort après lequel il faut, coûte que coûte, s’arrêter épuisé.

Non, certes ! nous n’étions pas épuisés, n’est-ce pas, mes camarades des gardes-côtes ? malgré tant de conditions défavorables ; et vous ne l’étiez pas davantage, vous autres des petits bateaux, qui marchiez toujours, et si vite !... Et quant à ceux des grands cuirassés, des grands croiseurs, armés avec l’effectif de guerre, ils n’étaient même pas fatigués.

A qui revient l’honneur de ces résultats pratiques, auxquels, peut-être, on n’osait pas s’attendre ?

Au commandant en chef, d’abord, et à son état-major d’armée ; mais aussi aux états-majors des escadres qui présentaient des bâtimens bien entraînés. Ensuite au personnel, — et je ne m’appesantis pas sur ce point. Enfin, osons le dire, au matériel, oui, à ce matériel de la Marine, depuis les coques énormes jusqu’aux plus petites machines, ce matériel dont il est de mode de dire tant de mal, beaucoup plus de mal qu’il ne mérite, en tout cas, encore que tout n’y soit point sans reproche, sûrement...

— Soit, diront quelques-uns, la preuve est faite que nous pouvons constituer une belle armée navale, la faire naviguer et combattre. Tenons-nous en là, car l’assurance en est chère : un million, au bas mot.

— Non pas, répondrai-je, ne nous en tenons pas là ! Recommençons, au contraire. Il y a tant de choses à faire encore !...

Au demeurant, s’il est vrai, — et c’est évident en soi, — que