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Deux remarques : la première, que c’est la queue de la ligne qui « écope » toujours. Il faut donc placer là une ou deux fortes unités, bien armées, bien défendues. La seconde, que le respect de la ligne de file signalée par « l’amiral » est tel que d’aucuns laissent l’arrière de leur navire longtemps en prise à des feux convergens d’enfilade ou d’écharpe, alors qu’étant en queue de ligne, ils pourraient, d’un coup de barre, prendre une position moins désavantageuse.

Sans doute, si les projectiles pleuvaient réellement, l’intérêt d’une telle manœuvre apparaîtrait plus pressant. Mais qui sait ? Déshabitués de l’initiative que nous fait le service d’escadre, oserions-nous nous soustraire à l’obligation de naviguer dans les eaux du matelot d’avant ? — Oui, peut-être. Alors, je vais plus loin : oserions-nous, le cas échéant, rompre la ligne, comme Nelson à Saint-Vincent en 1797, ou la conduire ailleurs que ne l’a prescrit l’amiral, comme Foley à Aboukir ? ...

Epineuse question 1 Car de conseiller aux capitaines ces manœuvres hardies, brutales, qui violentent la fortune, manœuvres admirées quand elles réussissent et que le blâme expire sur les lèvres du chef dont la gloire en profite, de les conseiller, dis-je, qui prendra la responsabilité... ?

Non, cela ne se prescrit pas ! Mais, en revanche, peut-être y a-t-il un certain « état d’âme » qu’il faudrait encourager...


4 juillet.

Meilleur temps, brise moins âpre, ciel un peu voilé. Beaucoup de pêcheurs de Groix autour de nous. Ces « Grésillons » poussent fort loin au large, car nous sommes bien à 80 milles de leurs côtes. Ils vont où va la sardine.

De 8 h. 30 à 10 h. 45, évolutions « tous à la fois » exécutées par 4 escadres de 6 bâtimens, à 600 mètres l’une de l’autre. Cela devient intéressant, parce qu’il faut absolument ne pas commettre d’erreur sur le sens de l’abattée. O timonerie ! précieuse timonerie que celle qui peut jurer, — calme, infaillible au bout de ses longues-vues ! — que c’est bien sur la droite et non sur la gauche que l’amiral signale de tourner !

Oui, mais qu’un obus nous enlève ces timoniers alertes, si prompts à saisir un signal à peine déferlé, à deviner les pavillons qui montent, l’œil vif, la mémoire imperturbable, par qui les remplacerons-nous ? ... Vraiment nos codes sont trop compliqués !