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c’est tout ce que l’on voudra. Nous n’avons guère vu les ouvrages, qui ne nous distinguaient pas beaucoup mieux. Chacun y est allé gaiement de sa poudre, et les bons « Arbis » ont dû être contens. Cette petite fantasia terminée, on se dirige sur Mers-el-Kebir ; on mouille ; on déjeune à la hâte ; le charbon arrive dans de vieux chalans ; on se plonge dedans ; ça dure toute la journée, une belle journée de dimanche et de la Saint-Jean, tandis qu’à terre, tout près de nous, les villages sont en fête : processions, pétarades, volées de cloches...

Pauvre Mathurin, tu tournes la tête un moment, entre deux briquettes de charbon... « Allons ! leste, mes garçons ; il faut en finir, » crie le second, et vers cinq heures, cinq heures et demie, attrape à laver le pont et la batterie, et puis le souper à la hâte, et puis le hamac, — pour ceux qui ne sont pas de la division de quart, bien entendu...

Voilà ce qui s’appelle vingt-quatre heures bien remplies.


25 juin, soir.

Nous sommes revenus devant Oran ; nous mouillons au Nord-Est de la jetée ; nous nous embossons même, comme les vaisseaux du temps jadis. Assaillans avant-hier, nous serons, cette nuit ou demain matin, défenseurs de la place. Celle-ci nous défend à son tour, car notre division est supposée avoir des avaries de machine — ou de coque — qui ne lui ont pas laissé le loisir de rentrer dans le port. Nous sommes, finalement, surpris au mouillage. Tâchons que ce ne soit pas un Aboukir.

Beaucoup de mouvemens de torpilleurs (nos amis, cette fois), à la fin du jour. Ils vont prendre leurs postes de combat. Leur chef de groupe, un aviso rapide, va se mettre sous les canons de Mers-el-Kebir, dans l’Ouest, et dirige un faisceau permanent de lumière électrique vers le Nord-Est, au large de Canastel.

Les bâtimens ennemis viendront s’y peindre, sans doute, avant d’atteindre leurs positions de tir ; en tout cas, ce faisceau lumineux gênera leurs vues, s’interposant entre eux et la place.

On les a aperçus déjà, ou du moins leurs éclaireurs, aux dernières lueurs du jour. Ils sont venus pousser une reconnaissance. Nous ont-ils reconnus, nous, serrés contre la côte ? Chi lo sa ? ...

En tout cas, nos équipages sont, par bordée, aux postes de veille, les guetteurs sur les passerelles, les chefs de pièce, relevés