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brevetés ou auxiliaires, dont nous disposons, nous nous demandons si la répartition initiale de nos contingens dans les diverses spécialités n’est pas systématiquement en défaut.

Je veux bien qu’il soit pénible d’obliger nos pêcheurs, nos marins de l’Inscription maritime, les hommes du grand air et du libre horizon, à s’enfermer dans une chaufferie pour y « suer leur graisse, » lorsque graisse il y a, par des températures de 50 à 60 degrés. Mais enfin, il le faut absolument ; le premier besoin est de marcher, de marcher vite, si possible, sûrement, en tout cas. Or, ces hommes-là vaudront toujours mieux, étant plus endurans à la mer, plus chez eux à bord de nos bateaux, plus à nous, que les « terriens » qui nous viennent du contingent ordinaire.

Pour les garder, une fois formés, c’est un sacrifice d’argent à faire, des primes de réadmission, des hautes paies à donner ; des grades aussi, des grades modestes de sous-officiers. Et surtout ne demandons pas à ces braves gens trop de « connaissances théoriques ! » Laissons-les ce qu’ils sont.


Le mouillage est venu interrompre toutes ces réflexions échangées entre officiers après le déjeuner. Nous voici ancrés tous les quatre au pied d’un grand rocher jaune de plus de 300 mètres de haut, qui porte un phare à son sommet.

C’est la Dragonera, qui forme la pointe Ouest de Majorque. De l’autre côté, la grande île, non moins rocailleuse ni moins jaune, avec, pourtant, quelques taches d’un vert grisâtre, çà et là. Mais que de cailloux, bone Deus ! Évidemment les frondeurs des Baléares n’avaient qu’à se baisser pour en prendre…

Mais non, point de jugement téméraire. Nous sommes ici du mauvais côté de l’île, du côté de l’ossature, et il suffit de regarder la carte pour constater qu’il y a, face au Nord et au Sud, de larges vallées ; et ces vallées ont certainement une belle végétation. Enfin, il faut bien que l’on trouve quelque part les orangers qui donnent la « Maïorque » que l’on crie à tue-tête à Marseille et à Toulon. Et les bigarrades et les figues ; et même, dit-on, le coton, qui vient fort bien aux Baléares et qui va remplacer les laines. Celles-ci, comme toutes les laines espagnoles, s’effacent devant les laines de l’Argentine et de l’Australie.

Nous retrouvons ici la Foudre et les quatre torpilleurs qui nous avaient précédés au mouillage. À 4 heures, l’amiral appelle à son bord les commandans et leur donne ses instructions