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LA RÉFORME DE LA SYNTAXE.

mais Racine a dit :

Je verrai les chemins encor tout parfumés
Des fleurs dont, sous ses pas, on les avait semés

Ont-ils eu tort ? ont-ils eu raison ? Encore une fois, c’est ici ce qu’on ne saurait dire a priori, par sentiment, en quelque sorte, et sans y avoir regardé d’un peu près. Je dis seulement qu’avant de rien « réformer » et de rien « simplifier, » on fera bien d’attendre que quelqu’un nous ait donné un Traité du participe, où nous lui permettrons, quant à nous, de se moquer de la « logique, » pourvu qu’il fonde ses décisions ou ses observations en histoire. Encore une fois : une langue est une formation historique, et, de son histoire, les seuls faits qui comptent pour nous sont les œuvres de ses grands écrivains.

On dira peut-être à tout cela : « Mais, vraiment, ces questions ont-elles tant d’importance et valent-elles qu’on s’échauffe si fort à les discuter ? « Nous le croyons, pour notre part ; nous avons donné les raisons que nous avions de le croire ; et nous avons, pour le croire avec nous, tous ceux qui savent ce qu’une langue a de liaisons, diverses et multiples, infinies et profondes, avec la « mentalité » d’un grand peuple. C’est ce qu’exprime énergiquement un vieux dicton anglais, qu’il ne faut pas sans doute prendre au pied de la lettre : « Whoever speaks two languages is a rascal ; Défiez-vous de ceux qui parlent deux langues, » mais qui exprime bien cette idée si juste qu’on perd sa race en perdant la pureté de sa langue. La « mentalité » anglaise se transformerait à parler français, et réciproquement. Nous ne saurions donc trop veiller sur le dépôt de la langue, avec un soin trop jaloux, disons avec une sollicitude trop méticuleuse ; et c’est pourquoi toutes ces questions d’orthographe et de syntaxe ont en réalité infiniment plus d’intérêt et d’importance que celle de savoir qui sera demain ministre, sénateur, — et même conseiller de l’Instruction publique.

J’ajoute que la transformation, s’il y a lieu, s’opère de nos jours par l’école primaire, et c’est encore un point sur lequel il convient d’attirer l’attention. Car on dit volontiers, et peut-être croit-on que, de toutes ces « réformes, » et de toutes ces « simplifications, » celles-là survivront seules, et s’incorporeront au fond de la langue nationale, que l’usage consacrera. Mais on oublie qu’il n’y a plus d’usage. On pouvait invoquer l’usage quand il y