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Conseil ne seraient plus enseignées dans nos écoles primaires ni même secondaires. Et, en effet, quel besoin d’apprendre des règles qui auront cessé d’exister ? Si le participe passé s’accorde encore avec son complément, ce ne sera donc plus, à dater du 1er août 1900, que dans les établissemens d’enseignement supérieur. Le ministre et son Conseil ont bien voulu faire cette concession à quelques professeurs, trop vieux pour changer d’orthographe à leur âge ! Mais les pédans ne contraindront plus la liberté naturelle du citoyen sous la tyrannie de la règle du pluriel en aux ou de la concordance des temps ; et l’imparfait du subjonctif a vécu… Je voudrais, avant d’en prononcer l’oraison funèbre et de le défendre, — ou, peut-être, de l’abandonner à mon tour, — rechercher du moins à quels dieux on l’a sacrifié, et les raisons qu’on a eues, ou eu, puisque l’un et l’autre se diront désormais, d’opérer, en fin d’année scolaire, cette espèce de coup d’État.

I

De ces raisons, j’en écarte une d’abord, et c’est celle qui consiste, comme le dit le Conseil supérieur de l’Instruction publique, à se proposer de rendre, par ce sacrifice, « l’étude du français moins difficile aux étrangers. » Je me suis laissé conter, à ce propos, qu’il y a de cela quelques années, comme il était question d’élever dans Paris un monument à Shakspeare, Meilhac, sollicité d’y contribuer de son obole, répondit par le billet suivant, à l’adresse de notre cher confrère Ludovic Halévy : « Mon cher ami, rappelle-moi donc le nom de cette belle place de Londres où s’élève la statue de Molière… » Je dirais volontiers, après Meilhac, et d’après Meilhac : « Et qu’est-ce que les Anglais, ou les Allemands, ou les Italiens ont donc fait, ou font donc, pour rendre l’étude de leur langue plus facile aux étrangers, en général, et aux Français en particulier ? » Encore faut-il, en ces matières, un peu de réciprocité ! Quand les Anglais, pour nous rendre l’étude de leur langue moins difficile, auront pris la résolution de conformer leur orthographe à leur prononciation, ou, ce qui nous serait bien plus commode encore, leur prononciation à leur orthographe, — nous verrons à « réformer » notre syntaxe en leur faveur.

Mais, en attendant, puisque je parle d’eux, leur exemple nous