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LA
RÉFORME DE LA SYNTAXE

Un arrêté ministériel, — rendu le 13 juillet 1900 sur la proposition du Conseil supérieur de l’Instruction publique, — a décidé que l’on ne dirait plus désormais en français : les folles amours, mais les fous amours d’Antoine et de Cléopâtre ; que l’on pourrait choisir, d’après la circonstance, entre : le Dieu des bonnes gens et le Dieu des gens bonnes ; et qu’on écrirait indifféremment, voire avec ou sans trait d’union, des te Deum, ou des tedeums ; et pourquoi pas des tédéons ? C’est le commencement de la « réforme » de l’orthographe ou de la syntaxe ; — et on peut dire que, pour commencer, voilà certainement : de la belle ouvrage.

Il est vrai que le Conseil supérieur de l’Instruction publique, en proposant ces nouveautés, s’est défendu de toute intention révolutionnaire. Il n’a pas, nous dit-il, voulu « légiférer en matière de langage ; » il s’est abstenu avec le plus grand soin « d’édicter aucune règle nouvelle ; » il n’a prétendu « obliger personne à se conformer à ses propositions, ni même, ajoute-t-il, à en prendre connaissance, » ce qui est sans doute le comble de la modestie, si ce ne l’est pas de la franchise. Mais le ministre, plus courageux, n’a pas hésité, lui, en revêtant de sa signature les propositions métaphysiques du Conseil, à spécifier très expressément qu’à dater de son arrêté, — je serais tenté de dire son ukase, — les règles abolies de par la tolérance dudit