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renvoyé sur parole. Sois sûre, ma mie, que mon désir le plus ardent est de revoler près de toi et de te donner de nouvelles preuves de mon amitié.

P.-S. — Nous n’avons qu’à nous louer des généreux procédés de nos vainqueurs. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour adoucir notre sort.


Au Directoire.

Nos malheurs auraient trouvé leur terme dans le combat du 21 vendémiaire, si la fortune capricieuse se fût contentée d’une victoire et nous eût permis d’arriver au port. Elle avait résolu de nous éprouver par d’autres revers.

Aussitôt que nous fûmes transférés, les officiers, sous-officiers et moi, à bord du vaisseau le Robust, le capitaine voulut faire voile pour Portsmouth, en passant par la mer d’Irlande. Mais les vents se déclarèrent contre nous et nous rejetèrent dans le Nord. Ce n’est que par miracle que nous échappâmes, deux fois, au naufrage, tant sur les îles Bishop’s que sur celles d’Ecosse. Le Hoche nous suivait dans un état si déplorable qu’à chaque instant nous croyions le voir englouti. Il ne lui restait, pour toute mâture, qu’un tronçon, de dix pieds, de son artimon ; il n’avait pas dix aunes de toile, et l’eau augmentait de plus en plus dans sa cale. La mer était toujours violemment agitée ; les vents soufflaient avec une violence extraordinaire. Une frégate, que nous avions rencontrée par hasard et qui avait pris le Hoche à la remorque, était à tout moment forcée de l’abandonner à la fureur des flots pour ne pas s’exposer à périr avec lui.

Cette tourmente, nous l’avons subie pendant dix-huit jours. Ajoutez que, les vivres étant sur le point de manquer, on avait réduit la ration au quart.

Enfin les vents se calmèrent un peu, et nous pûmes, le 10 brumaire, regagner le lac Swilly, où nous trouvâmes un excellent mouillage. La vue de cette baie redoubla mes regrets, car 10 000 hommes peuvent y débarquer facilement, et nous aurions trouvé infiniment plus de ressources que je ne m’y attendais en ne consultant que ma carte.

Le lendemain, les adjudans-généraux Simon et Wolfe-Tone (dit Smith) furent appelés à terre par le général Cavan, commandant l’arrondissement de Londonderry, qui se trouvait alors