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Les signaux ne furent pas compris, et les trois frégates se dérobèrent ; la Résolue et l’Immortalité de conserve, la Romaine isolément. Segond, ne pouvant éviter le feu de l’Anson, déploya le pavillon anglais au-dessus du sien, pour faire croire que sa frégate était une prise ; mais l’ennemi ne s’y trompa pas et lâcha sa bordée. Aussitôt Segond abattit les couleurs anglaises et, toutes voiles dehors, il courut à l’Anson pour le canonner si vigoureusement qu’il le désempara et put s’échapper.

La Loire rencontra la Sémillante ; Segond se rangea sous les ordres du capitaine Lacouture, plus ancien. Mais, à l’approche de trois bâtimens anglais (deux frégates, la Mermaid et la Révolutionnaire, et une corvette, le Kangaroo), Lacouture abandonna la Loire, qui ne pouvait pas suivre, et reprit sa liberté de manœuvre. Le 17 octobre, la Loire est atteinte par la Mermaid, un des trois bâtimens anglais auxquels elle a échappé la veille, en maltraitant la corvette. Segond, réduit à ses basses voiles, cloue son pavillon au mât d’artimon, harangue son équipage et accepte le combat. Une bordée, à portée de pistolet, de ses canons chargés à deux boulets, rase deux mâts de la frégate anglaise. Le troisième, resté debout, permet à la Mermaid de s’enfuir.

C’était le quatrième combat que la Loire soutenait depuis le 21 vendémiaire. Mais elle était criblée comme une écumoire ; il n’y avait plus à bord ni bois ni cordage. Attaquée le lendemain par l’Anson et le Kangaroo, la Loire lutta plus d’une heure encore. Segond n’amena son pavillon que quand il eut six pieds d’eau dans sa cale. Il avait à son bord 46 morts et 71 blessés.

La Sémillante, la Romaine et la Biche revinrent en France : la première, à Lorient ; les deux autres à Brest.


Le général Hardy, prisonnier de guerre, à sa femme.


A Buncranagh, aux bords du lac Swilly (nord de l’Irlande),
le 15 brumaire (5 novembre).

Chacun a sans doute déjà fait la gazette sur notre combat naval du 21 vendémiaire. Je ne veux pas faire de commentaires sur ce que tel ou tel prétend en savoir ; il est plus intéressant pour toi, ma bonne amie, d’apprendre que ton mari n’a pas succombé, qu’il n’est pas même blessé, qu’il se porte bien ; je désire que ma lettre te parvienne assez à temps pour calmer tes inquiétudes et les dissiper. Nous allons être conduits en Angleterre, où j’espère ne pas rester longtemps, comptant que je serai, avec mon état-major,