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depuis sa sortie de Brest, gouverné au S.-O., pour les tromper et surtout pour éviter les escadres qui croisaient à l’entrée de la Manche.

Hardy le décida, le 19 septembre, à détacher deux frégates, la Loire et l’Immortalité, sous le commandement de Segond, commandant de la Loire, pour donner la chasse aux bâtimens anglais. Mais, quand Segond demanda, par signal, l’ordre d’attaquer, Bompard répondit par le signal de ralliement. Il avait relu les instructions du ministre de la Marine : « Éviter tout ce qui pourrait ralentir sa marche et retarder son point fixé pour le débarquement de ses troupes. » La Loire et l’Immortalité rejoignirent la division ; l’Anson, l’Ethalion et l’Amelia virèrent de bord, en même temps qu’elles, pour continuer leur poursuite.

Bompard eut alors la fâcheuse inspiration de vouloir faire croire aux Anglais qu’il allait aux Antilles. Il doubla le cap Finisterre et continua de gouverner au Sud-Ouest. Il comptait faire le tour des Açores, y perdre les bâtimens anglais, puis reprendre la route de l’Irlande. Une saute de vent l’obligea de virer au Nord. Pendant ces douze jours de navigation inutile, aucune souffrance ne fut épargnée aux 3 000 hommes embarqués sur des navires de guerre, mal aménagés et encombrés de matériel. Bompard n’eut plus, dès lors, qu’une pensée : débarquer au plus tôt le corps expéditionnaire. Il laissa même, le 25 septembre, passer, sans l’attaquer, un convoi anglais de 100 voiles, peu escorté, dont la prise aurait causé au roi George un préjudice plus grand que le débarquement d’une poignée de Français dans l’Irlande, altérée par la capture du général Humbert et de sa brigade.

Hardy et Bompard ignoraient le sort d’Humbert. Sachant qu’il avait débarqué au nord de l’Irlande, dans la baie de Killala, ils faisaient route pour atterrir au lac de Swilly, dans l’espérance d’y voir leur débarquement protégé par les troupes françaises unies aux Irlandais. La déception fut cruelle !

L’amirauté anglaise, après avoir cru que Bompard allait à Terre-Neuve, avait appris, par ses croiseurs de l’Atlantique, que décidément il se dirigeait vers l’Irlande. Elle laissa l’amiral Bridport, avec neuf vaisseaux de ligne, à hauteur d’Ouessant, pour empêcher les navires français de regagner leurs ports, et elle envoya de Plymouth le commodore sir John Borlase Warren avec quatre vaisseaux : le Foudroyant (de 80 canons), le Canada et le Robust (de 74), le Magnanime (de 44), les frégates Melampus et Doris, à