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loyal comme son épée ; il fait tous ses efforts pour nous rendre, à mes officiers[1] et à moi, la vie du bord agréable, et nos relations sont très amicales.


25 fructidor (11 septembre).

Les vents ne veulent pas plus nous favoriser que l’escadre anglaise s’éloigner. Nous n’avons pu mettre à la voile.

La saison s’avance et mon expédition ne se fait pas. J’ai une tâche glorieuse à remplir, plus je tarderai et plus je trouverai de difficultés. Il fallait de la promptitude, de l’audace, et il n’y a rien de fait ! Je suis cruellement tourmenté depuis le départ du général Humbert et de quelques autres, partis des côtes de la Manche. Je crains qu’ils n’aient tout gâté ! ...


27 fructidor (13 septembre).

Depuis quatre jours, nous ne voyons plus les Anglais, il est probable qu’ils se sont retirés sur leurs côtes, et, si lèvent nous devenait favorable, rien ne nous empêcherait de gagner le large. Nous avons bien, par intervalles, quelques momens propices, mais ils sont de courte durée, et l’on ne manie pas un vaisseau comme, sur terre, nous remuons un bataillon. On n’est pas plus vexé que nous le sommes.

Je t’envoie copie de la proclamation que je ferai distribuer à l’armée quand nous serons à vingt lieues en mer. Ce sont chétifs cadeaux pour toi, ma mie, je le sens bien, mais que puis-je t’envoyer d’ici ? Ne la laisse pas sortir de la maison avant d’être certaine que nous sommes partis.


Le général Hardy, commandant en chef l’armée expéditionnaire, aux Officiers et Soldats.


Braves compagnons,

Vous annoncer que nous partons pour l’Irlande, c’est vous dire que nous allons rejoindre des frères, des amis qui nous tendent les bras et qui nous regardent déjà comme leurs libérateurs.

  1. « Nous restâmes six semaines en rade de Brest, contrariés par les vents qui nous empêchaient de passer le Goulet et de gagner la pleine mer. C’est un triste séjour qu’un vaisseau pour les officiers de terre ; on est entassé les uns sur les autres, de mauvaise humeur et peu tolérans. » — Général Vallin. Notice sur ma vie pendant soixante-cinq ans. Manuscrit inédit, rédigé en 1835, pour son petit-fils, le colonel Léon Borelli de Serres.