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votre malheur et admirent votre constance. Vos plaintes ont retenti dans toutes les parties du globe ; mais votre cause est devenue particulièrement celle du peuple français. C’est pour vous prouver son affection, c’est pour seconder vos généreux efforts, que le Directoire exécutif de la République française m’envoie vers vous.

Je n’aborde pas votre île pour y porter le ravage et vous dicter des lois. Compagnon d’armes et ami de Hoche, je viens remplir ses engagemens[1] et vous tendre une main secourable. Je vous apporte des armes, des munitions et les moyens de vous affranchir d’un joug barbare.

Je vous présente mes braves compagnons ; ils ne connaissent que le chemin de l’honneur et de la victoire. Vieillis dans l’art de vaincre les tyrans sous quelque forme qu’ils se présentent, ils joindront leur courage au vôtre, leurs baïonnettes à vos piques, et l’Irlande sera affranchie.

Victimes infortunées du plus exécrable despotisme, qui gémissez dans les cachots de l’Angleterre, ouvrez vos cœurs à l’espérance, vos fers seront brisés !

Irlandais, qui avez vu vos maisons dévorées par les flammes, vous les verrez reconstruites !

Apaisez-vous, mânes innocens de Fitz-Gerald, d’O’Coigley, d’Edward Crosbie, de William Orr, de Thomas Bacon ; votre sang, versé pour la cause sainte de la liberté, cimentera l’indépendance de votre Patrie. Il coule dans les veines de vos compatriotes, et les Français vont châtier vos bourreaux !

JEAN HARDY.


A Madame Hardy, à Philippeville.


Brest, 19 thermidor (6 août).

J’ai reçu les instructions du Directoire. Sans qu’il me dise

  1. En 1796, Hoche avait appuyé auprès du Directoire les propositions de Wolfe-Tone et de Napper-Tandy, chefs des patriotes irlandais, qui assuraient que le débarquement d’une seule division française en Irlande serait le signal d’un soulèvement général. « Le plus court chemin de Londres, disait le pacificateur de la Vendée, c’est par Dublin ! »
    On l’avait chargé de l’entreprise ; 15 vaisseaux de ligne, 12 frégates, 6 corvettes, 9 transports avaient quitté Brest, le 16 décembre 1796, pour conduire 17 000 Français sur les côtes d’Irlande. Le lendemain, la tempête avait dispersé cette flotte. Hoche et l’amiral Morard de Galles, montés sur la frégate la Fraternité, avaient débarqué, en janvier 1797, dans l’ile de Ré, sans avoir pu tenir les promesses faites aux Irlandais.