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chirurgien célèbre, le Dr Esmarch, de Kiel, une grande association qui, tout en adoptant les statuts de la Société anglaise de l’hôpital Saint-Jean, est principalement consacrée aux pêcheurs ; c’est l’Association samaritaine allemande (Deutscher Samariter Verein). Dans chaque bourg des côtes allemandes, cette Société organise des conférences, au nombre de cinq par chaque centre, pour expliquer aux pêcheurs les soins médicaux urgens qu’en l’absence du médecin, ils peuvent s’administrer. Le docteur Esmarch a résumé ces conférences dans un Catéchisme des premiers secours (Katechismus zur ersten Hülfeleistung) si bien compris que la princesse Christian de Sleswig-Holstein, fille de la reine d’Angleterre, l’a traduit en anglais pour servir au Centre de Windsor de la Société de l’hôpital Saint-Jean.

Comme on le voit, jusque-là, l’assistance aux pêcheurs consistait à leur donner, sur terre ferme, d’excellens conseils. C’était insuffisant. C’est aux Anglais que revient l’honneur d’avoir réalisé un progrès énorme en faisant un pas décisif dans l’assistance, c’est-à-dire en portant secours aux marins sur les lieux mêmes de la pêche.

La vérité est qu’ils y furent incités principalement par le désir de combattre certains trafics malsains que des bateaux connus sous le nom de dutch-coper pratiquaient sur les lieux de pêche de la mer du Nord. Ces bateaux, sortis généralement des ports de Hollande, et qui extérieurement présentaient l’aspect respectable d’un bateau de pêche, venaient offrir aux pêcheurs, contre remboursement onéreux, une grande variété de marchandises et surtout d’affreuse eau-de-vie. Chose inouïe, sur le dutch-coper on ne fêtait pas seulement Bacchus, mais encore Vénus ! À un moment donné, le scandale fut même tel que la diplomatie s’en émut et échangea des notes.

Pour rendre la physionomie de ces étranges navires de commerce varié, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ce qu’écrivait dans les Archives de médecine navale de juillet 1892 le docteur Valence, de la Marine, qui, servant dans la mer du Nord, avait pu y étudier cette surprenante industrie.

« Le dutch-coper est un navire ayant les allures et le tonnage d’un bateau de pêche ordinaire, mais que l’œil exercé du pêcheur reconnaît bien. Cinq ou six hommes d’équipage avec un patron montent ce bateau de commerce, qui vient vendre du tabac à bon marché. Mais ce n’est pas sur ce produit que se font