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ils tiennent à la main la corde de la ligne. Chaque marin a son poste marqué par une encoche sur le rebord du navire. Quand un navire est en pêche, on voit donc tous les hommes de l’équipage rangés sur le même bord, du côté du vent naturellement, pour ne pas engager leurs lignes.

En Islande comme à Terre-Neuve, ce n’est pas tout que de pêcher la morue ; il faut encore la préparer pour la conservation. Mais cette manipulation (tranchage) de la morue a été décrite bien des fois ici même ; il est donc inutile d’y revenir.

Dans la mer du Nord, le butin cherché par nos pêcheurs du large est surtout le hareng. Ce poisson voyage par bandes ; il y a de vrais passages, dont il faut savoir profiter. L’expérience acquise par les pêcheurs leur a permis d’établir jusqu’à un certain point les lois présidant à ces passages. Ils ne manquent pas de s’y conformer. D’une manière générale, les bateaux commencent la saison de pêche au Sud des îles Shetland ; puis, tous les quinze jours, ils se déplacent vers le Sud et terminent la saison en face de Douvres. Quelques navires, agrandissant leur rayon de pêche, pénètrent jusque dans la mer d’Irlande.

Tous nos pêcheurs du large sont dignes d’intérêt ; cependant, selon les lieux de pêche, certains d’entre eux sont soumis à des épreuves particulièrement pénibles.

Nos marins de la mer du Nord pèchent de mai en novembre, et viennent, trois ou quatre fois pendant leur campagne, décharger dans les ports de France leurs barriques pleines de harengs. Il est vrai qu’après avoir réparé à la hâte leurs avaries et complété leurs approvisionnemens, ils reprennent immédiatement la mer, mais cela n’empêche pas que de tous nos pêcheurs du large ce sont eux qui restent le moins longtemps isolés.

En Islande, les pêcheurs ne s’éloignent jamais beaucoup de la terre. En cas d’accident, ils peuvent en peu de temps aborder la côte, qui est pauvre, il est vrai, mais foncièrement hospitalière. C’est encore là pour nos marins un état d’isolement relatif.

Quant à nos pêcheurs de Terre-Neuve, ce sont incontestablement les plus isolés de tous. Pour s’en convaincre, il suffit de savoir que nombre de navires de pêche, ceux de Fécamp surtout, gagnent directement le banc, y restent mouillés pendant six mois, et reviennent en France sans aucune relâche.

Il paraîtra donc naturel que, pour donner une idée des conditions pénibles dans lesquelles vivent nos marins des grandes