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malaria. Ceux-ci accomplissent dans le sang de l’homme un cycle de vie asexuée, tandis que dans le corps du moustique ils accomplissent le cycle de vie sexuelle, par lequel l’espèce de ces parasites se perpétue en dehors de l’homme. Ainsi l’infection circule pour ainsi dire de l’homme au moustique et du moustique à l’homme. » On le voit, l’homme et le moustique jouent ici le même rôle que l’homme et les parasites de toute espèce dans la terrible endémie qui sévit sur les Indes et qu’un malade ou un parasite niché sur le corps de quelque rat s’en va porter jusque sur les côtes d’Europe : l’histoire de la malaria est l’histoire de la peste. Pour l’un comme pour l’autre de ces deux fléaux, on ne peut déterminer sans doute, à côté des causes actuelles, les causes pour ainsi dire préhistoriques qui ont communiqué la maladie au premier être vivant qui Tait contractée. Mais, dans l’enchaînement actuel des phénomènes, il faut, pour que la peste ou la malaria existent, des foyers vivans d’infection et de contamination.

Est-ce à dire que ni l’air, ni l’eau ne jouent aucun rôle dans le mal auquel les savans les plus scrupuleux ont conservé les noms anciens de mauvais air ou de fièvre des marais ? Doit-on négliger, comme un amas de puériles superstitions, les observations réunies depuis de longs siècles par les ignorans qui ont connu le fléau pour en avoir souffert ? Si les théories nouvelles heurtaient de front l’expérience traditionnelle, on serait en droit de les suspecter comme arbitraires ou au moins comme incomplètes. Mais, en vérité, les vieux aphorismes de la sagesse campagnarde et les révélations du microscope se trouveront d’accord, du moment où l’on aura observé que le savant distingue les agens immédiats qui déterminent le mal, tandis que le paysan se borne à considérer le milieu où se développent ces agens, qui lui restent inconnus. Quand Varron parle de l’air empoisonné, M. Celli pense aux moustiques qui l’habitent. Ainsi la tradition trouve sa justification et comme sa traduction dans le langage de la science. « Crains, dit le paysan, le souffle fétide des marais et des eaux stagnans. » Et le savant reprend : « C’est dans les eaux dormantes que naissent les moustiques : c’est là qu’ils vivent à l’état d’œuf, de larve et de nymphe, pour se répandre ensuite dans les airs. » — « Ne dors point près de la terre malsaine que tu as labourée ou moissonnée. » — « Le soir et la nuit, les moustiques, endormis et cachés pendant la journée, se mettent en chasse,